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Tribunal national du travail du Nigéria, Ejieke Maduka c. Microsoft, 19 décembre 2013, affaire n° NICN/LA/492/2012

Constitution de la République fédérale du Nigeria

Article 12, paragraphe 1

Aucun traité entre la Fédération et tout autre pays n’aura force de loi tant qu’il n’aura pas été incorporé sous forme de loi par l’Assemblée nationale. 

Constitution de la République fédérale du Nigeria (troisième révision) de 2010 

254 C- (1)

Nonobstant les dispositions des articles 251, 257, 272 et toute autre disposition contenue dans la présente Constitution, et en addition à toute autre juridiction qui aurait pu lui être conférée par un acte de l’Assemblée nationale, le Tribunal national du travail exercera la juridiction exclusive et aura la primauté sur les autres cours en matière civile (…)

(h) liées ou attenant à l’application ou l’interprétation des normes internationales du travail;

(2) nonobstant toute mention contraire dans la présente Constitution, le Tribunal national du travail détient la juridiction et le pouvoir de connaître de toute affaire liée ou attenant à l’application des conventions, traités ou protocoles internationaux ratifiés par le Nigeria et concernant le travail, l’emploi, le lieu de travail, les relations professionnelles ou des sujets connexes.

Pays:
Nigeria
Sujet:
Harcèlement sexuel , Protection contre la discrimination dans l’emploi et la profession
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traités ratifiés;1 travaux des organes de contrôle internationaux2

Harcèlement sexuel/ Discrimination fondée sur le genre/ Interprétation du droit de l’Union européenne à la lumière du droit international

Une employée de Microsoft Nigeria a intenté une action en justice contre le Directeur national de Microsoft Nigeria, Microsoft Nigeria, Microsoft Corporation et son supérieur hiérarchique immédiat au motif qu'elle avait été constamment harcelée sexuellement par le Directeur national et qu'en réponse à ses objections et avertissements pour le faire cesser, elle fut licenciée. Elle a utilisé la définition du harcèlement sexuel de la Recommandation générale n°19 sur la violence à l'égard des femmes adoptée par le  Comité des Nations Unies sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). En outre, elle a déclaré que son licenciement constituait un «acte de représailles et de discrimination fondée sur le sexe qui est en soi une violation de son droit fondamental à la protection contre le traitement inhumain et contre la discrimination, garanti par la Constitution de 1999 telle qu'elle a été modifiée, la Charte africaine des droits de l'homme et d'autres conventions internationales contre la discrimination fondée sur le sexe».3

Après avoir clarifié le type de relation professionnelle existant entre la demanderesse et les défendeurs, le Tribunal a invoqué la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la Convention n° 111 de l'OIT dans sa décision sur l'accusation de harcèlement sexuel, en observant que les instruments susmentionnés «ont été ratifiés par le Nigeria et sont donc applicables pour interpréter les droits fondamentaux de la demanderesse expressément garantis dans la Constitution de 1999, telle qu'elle a été amendée».4 Plus particulièrement, le tribunal a estimé que:

«Selon l'interprétation et la signification de la Recommandation générale n° 19 du CEDAW, de la Convention n° 111 de l'OIT et de la politique du premier et du deuxième défendeur [Microsoft Nigeria et Microsoft Corporation] contre le harcèlement et la discrimination, le harcèlement sexuel constitue une forme de discrimination fondée sur le sexe».5

Par conséquent, concluant que les actions du Directeur national correspondaient à du harcèlement sexuel dans le sens de la Recommandation générale n°19 de la CEDAW, le Tribunal a déclaré que le «droit fondamental de la demanderesse à la protection contre la discrimination a été violé».6

En outre, il a conclu que le licenciement de la demanderesse, simplement parce qu'elle a refusé de succomber au harcèlement sexuel du Directeur national, constituait une violation de la dignité humaine et de la protection contre la discrimination telle qu'elles sont citées par la loi ratifiant et appliquant la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

En ce qui concerne la responsabilité de Microsoft Nigeria et de Microsoft Corporation, le Tribunal a jugé qu'il était de leur devoir de «prendre toutes les précautions possibles pour s'assurer que le droit fondamental de la demanderesse à la protection contre la discrimination et le traitement dégradant n'avait pas été violé.7 Par leur inaction et leur silence (...) ils ont tous les deux toléré et sanctionné la conduite du Directeur national».8

Le Tribunal les a donc jugés responsables du fait d'autrui en ce qui concerne les actes de harcèlement sexuel du Directeur national.

En conclusion, en utilisant le droit international pour interpréter la législation nationale, le Tribunal a conclu que les droits de la demanderesse à la dignité humaine et à la protection contre la discrimination avaient été violés et a condamné le Directeur national ainsi que Microsoft Nigeria et Microsoft Corporation au versement de dommages et intérêts généraux.


1 Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958; Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, 1979; Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, 1981.

2 Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.

3 Page 5 de la décision.

4 Page 25 de la décision.

5 Page 28 de la décision.

6 Page 28 de la décision.

7 Page 29 de la décision.

8 Page 30 de la décision.

Texte intégral de la décision