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Tribunal industriel du Kenya, Universities Academic Staff Union c. Maseno University, 18 septembre 2013, affaire n° 814'N' de 2009

Constitution du Kenya (2010)

Article 2

(5) Les règles générales de droit international font partie du droit national du Kenya.

(6) Tout traité ou convention ratifié par le Kenya fait partie du droit national du Kenya en vertu de la présente Constitution.

Pays:
Kenya
Sujet:
Licenciement , Droit de grève
Type d’utilisation du droit international:
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international , Création par le juge d’un principe inspiré du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traité non ratifié;1 travaux des organes de contrôle internationaux2

Licenciement/ Droit de grève/ Protection contre la discrimination antisyndicale/ Résolution directe du litige sur le fondement du droit international

Dans cette affaire, le demandeur, Universities Academic Staff Union, représentant cinq de ses membres, a allégué que l’université, la partie défenderesse, avait illégalement et injustement mis fin aux contrats des cinq travailleurs en question. En octobre 2006, le syndicat avait déclenché une grève. Le syndicat a jugé que le comité disciplinaire a démis de leur fonction ces travailleurs, invoquant leur participation à la grève comme justification. Dans son plaidoyer, l’université a fait valoir que la grève avait été considérée comme illégale par les autorités judiciaires compétentes et que les participants à cette grève avait reçu l’ordre de reprendre le travail immédiatement. C’est pourquoi les travailleurs ayant refusé de reprendre le travail ont été licenciés.

Après avoir examiné les faits présentés, le Tribunal industriel du Kenya en a conclu que les cinq travailleurs avaient été congédiés en raison de leur participation aux activités précédant la grève et à la grève elle-même. En ce qui concerne les travailleurs Mary Goretti Kiriaga et Billy G. Ng’ong’ah, le licenciement avait été, en outre, motivé par leur fonction de responsable syndical.

Le Tribunal a mis en lumière les dispositions légales applicables dans cette affaire, notant qu’au moment des faits, la législation nationale du travail n’était pas aboutie: « Il n’empêche que le Kenya est membre de l’OIT et qu’il est censé respecter ses obligations internationales notamment le respect des normes internationales de travail3.» Le Tribunal a souligné l’importance de protéger les membres des syndicats contre tout acte de discrimination antisyndicale et, plus particulièrement, contre toute cessation de relation de travail sur la base d’une affiliation syndicale ou d’une participation à des activités syndicales. À cet égard, le Tribunal s’est référé à la convention n° 158 de l’OIT sur le licenciement, 1982, et à l’étude d’ensemble de la Commission  d’experts de l’OIT sur la protection contre le licenciement injustifié, dans laquelle ce dernier indique que4

 « La nécessité de fonder le licenciement sur un motif valable constitue la pierre angulaire des dispositions de la convention. L’adoption de ce principe enlève à l’employeur la latitude de mettre fin unilatéralement à une relation de travail à durée indéterminée moyennant un préavis ou une indemnité en tenant lieu».

L’article 5 de la convention n° 158 de l’OIT stipule que: « Ne constituent pas des motifs valables de licenciement, notamment: a) l’affiliation syndicale ou la participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l’employeur, durant les heures de travail; b) le fait de solliciter, d’exercer ou d’avoir exercé un mandat de représentation des travailleurs (…)

La protection contre les actes de discrimination antisyndicale, notamment le licenciement pour de telles activités, est particulièrement nécessaire en ce qui concerne les dirigeants et délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions librement et en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent ou de leurs activités syndicales (…)5».

Le Tribunal a ensuite indiqué que le professeur K. Inyani J. Simala ne s’était pas vu offrir la possibilité de se défendre et qu’il était approprié de se référer à la convention n° 158 de l’OIT à cet égard:

« Un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées, à moins que l’on ne puisse pas raisonnablement attendre de l’employeur qu’il lui offre cette possibilité6».

Afin de déterminer la réparation qui doit être accordée aux cinq travailleurs, le Tribunal s’est référé au recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, qui indique au paragraphe 837 que:

« Nul ne devrait faire l’objet de discrimination antisyndicale en raison de ses activités syndicales légitimes, et la possibilité d’être réintégré dans leur poste de travail devrait être ouverte aux personnes qui ont été l’objet de discrimination antisyndicale7». 

En conclusion, et sur la base de la convention n° 158 de l’OIT et des principes énoncés par le Commission d’experts de l’OIT, le Tribunal a statué que la résiliation desdits contrats de travail était illégale et injustifiée. Compte tenu de ce qui précède et des recommandations du Comité de la liberté syndicale du BIT, le Tribunal a estimé que la réintégration des travailleurs était la meilleure forme de compensation; cependant, en raison de la longue période qui s’est écoulée entre les licenciements et le jugement, il a ordonné le versement d’une indemnité.


1 Convention (n°158) de l’OIT sur le licenciement, 1982.

2 Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’OIT; Comité de la liberté syndicale de l’OIT.

3 Page 38 de la décision.

4 OIT : Étude d’ensemble sur la protection contre le licenciement injustifié du Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.

5 Pages 39 et 40 de la décision.

6 Page 43 de la décision.

7 OIT: La liberté syndicale, Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale du Conseil d’administration du BIT, cinquième édition révisée, 2006.

Texte intégral de la décision