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Tribunal du travail de Ouagadougou, Zongo et autres c. Gérante de la Station Mobil Bataille du Rail, 17 juin 2003, n° 090

Constitution du Burkina Faso

Article 151

Les traités et accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie.

Pays:
Burkina Faso
Sujet:
Licenciement , Salaires minima
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traités ratifiés1

Rupture de contrat abusive/ Non respect des salaires minima fixés/ Référence au droit international pour renforcer une solution fondée sur le droit national/ Interprétation du droit national à la lumière du droit international

Les demandeurs étaient tous trois à l’emploi de la défenderesse en qualité de pompistes. Le 30 avril 2001, la défenderesse les informait par notes individuelles de la rupture de leur contrat de travail et ce sans explication ni préavis. Les demandeurs, considérant que leur licenciement était illégitime ont saisi l’inspection du travail pour tenter de régler le litige à l’amiable. Cette tentative ayant échoué, ils ont saisi le Tribunal du travail.

Après avoir conclu au caractère abusif de la rupture des contrats de travail, le Tribunal s’est penché sur les différentes réclamations des demandeurs, dont celle concernant le reliquat de salaire dû en raison du non respect des salaires minima applicables à leur catégorie professionnelle. Ainsi, la juridiction a pu constater que les salaires versés aux demandeurs étaient inférieurs aux taux minima fixés par les décisions de la commission mixte paritaire interprofessionnelle des 12 mars 1997 et 24 mai 1999. La Cour en a déduit que l’article 20 5) du Code du travail avait été violé. Celui-ci dispose que: «l’employeur doit payer les salaires et indemnités dus, en vertu des textes réglementaires, conventionnels et contractuels.»

De plus, pour confirmer sa lecture de l’article 20 5) et reconnaître le caractère obligatoire des salaires minima, le Tribunal s’est référé aux conventions n° 26 et 131 de l’OIT sur les méthodes de fixation des salaires minima, ces deux conventions étant ratifiées par le Burkina Faso.

La Cour a constaté que l’article 3 3) de la convention n° 26 oblige les employeurs et travailleurs à respecter les taux minima de salaires fixés:

«L’article 3 3) de la convention OIT n° 26 sur les méthodes de fixations des salaires minima (…) dispose que les taux minima de salaires qui auront été fixés seront obligatoires pour les employeurs et les travailleurs intéressés; ils ne pourront être abaissés par eux ni par accord individuel, ni, sauf autorisation générale ou particulière de l’autorité, par contrat collectif.»

Le Tribunal s’est également référé à l’article 2 1) de la convention n° 131 qui prévoit que «les salaires minima auront force de loi et ne pourront pas être abaissés.»

Finalement, afin de permettre aux demandeurs de recouvrer la somme qui leur était due sous ce chef, le Tribunal a encore une fois tenu compte des conventions n° 26 et 131 de l’OIT:

«[Attendu] qu’en son article 4 [convention n° 26], il est dit (…) que tout travailleur auquel les taux minima sont applicables et qui a reçu des salaires inférieurs à ces taux doit avoir le droit, par voie judiciaire ou autre voie légale, de recouvrer le montant de la somme qui lui reste due, dans le délai qui pourra être fixé par la législation nationale. Qu’il y a lieu d’ajouter que la convention n° 131 concernant la fixation des salaires minima notamment en ce qui concerne les pays en voie de développement de 1970, ratifiée par décret 74-42 du 4 mars 1974, dispose en son article 2 1) que (…) leur non application entraînera l'application de sanctions appropriées, pénales ou autres, à l’encontre de la personne ou des personnes responsables.»

Ainsi, le Tribunal du travail de Ouagadougou a conclu que le droit national, interprété en conformité avec les traités ratifiés par le Burkina Faso, ne permet pas de déroger par contrat aux salaires minima fixés par la Commission mixte paritaire interprofessionnelle. De plus, lorsque ces taux minima ne sont pas respectés, la victime de la violation est fondée à demander le recouvrement des sommes dues et l’employeur se doit de payer les droits acquis résultant d’une telle violation.


1 Convention (n° 26) de l’OIT sur les méthodes de fixation des salaires minima, 1928; convention (n° 131) de l’OIT sur la fixation des salaires minima, 1970.

Texte intégral de la décision