Tribunal des droits de la personne du Québec, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Université Laval, 2 août 2000, n° 200-53-000013-982, 2000 IIJCan 3 (QC T.D.P.)
Canada
Protection contre la discrimination dans l’emploi et la profession
Référence au droit international pour renforcer une solution fondée sur le droit national
Traités ratifiés;1 instrument non soumis à ratification2
Mise en place d’un système d’équité salariale au sein d’une université/ Contestation du caractère discriminatoire de ce système/ Utilisation par le juge national du droit international comme argument juridique supplémentaire
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a été saisie d’un recours affirmant que l’Université Laval avait instauré un système d’équité salariale ayant des effets discriminatoires fondés sur le sexe. Plus précisément, alors que le travail effectué par les employés de deux groupes de travail différents avait été évalué comme équivalent, les employés du secteur administratif, à prédominance féminine, bénéficiaient d’une structure salariale moins avantageuse que les employés du secteur spécialisés et des services, à prédominance masculine3.
Afin de renforcer sa décision basée sur l’article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec de 1975, selon laquelle le système d’équité salariale mis en place par l’Université violait le droit d’obtenir un salaire égal pour un travail équivalent, le Tribunal a eu recours au droit international4.
Le Tribunal des droits de la personne du Québec s’est basé sur la convention n° 100 et sur la recommandation n° 90 de l’OIT, ainsi que sur les traités pertinents des Nations Unies, et a décidé que la législation nationale doit être interprétée conformément aux obligations internationales de l’État.
Le Tribunal a réitéré la définition du principe d’égalité de rémunération consacré par la convention n° 100 de l’OIT en les termes suivants:
« L'adoption de ce principe pose les bases de l'égalité entre hommes et femmes et permet de s'attaquer au problème des emplois sous-évalués parce que traditionnellement dévolus aux femmes. […]
Pour la Conférence internationale du travail, la juste classification des emplois constitue un facteur essentiel dans l'établissement de taux de rémunération conformes au principe d'égalité édicté dans la Convention no 100. Une telle classification se fait à partir de méthodes permettant d'évaluer objectivement les tâches que comportent les divers emplois. La Convention no 100 et la Recommandation no 90 marquent un tournant dans la reconnaissance des causes de la discrimination dont sont victimes les femmes en matière de rémunération. En substituant le principe de « salaire égal pour un travail de valeur égale » à celui plus étroit de « salaire égal pour un travail égal » l'OIT reconnaît le fondement systémique de la discrimination salariale qui émerge des diverses composantes des systèmes de rémunération. »5
Se basant sur l’article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne et recourant au droit international pour étayer son argumentation, le Tribunal a statué que l’Université Laval avait violé le droit à l’égalité des travailleurs du secteur administratif en ne leur offrant par une rémunération égale à celle de leurs collègues du secteur spécialisé et des services, alors qu’ils effectuaient un travail de valeur égale.
1 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966; Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, 1979.
4 Article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec: “Tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent au même endroit.
Il n'y a pas de discrimination si une différence de traitement ou de salaire est fondée sur l'expérience, l'ancienneté, la durée du service, l'évaluation au mérite, la quantité de production ou le temps supplémentaire, si ces critères sont communs à tous les membres du personnel.es ajustements salariaux ainsi qu'un programme d'équité salariale sont, eu égard à la discrimination fondée sur le sexe, réputés non discriminatoires, s'ils sont établis conformément à la Loi sur l'équité salariale (chapitre E-12.001).”