Cour suprême de Norvège, Diasos c. le directeur administratif de Diakonhjemmet, 27 novembre 1986
Constitution du Royaume de Norvège
Article 110, paragraphe c)
Les autorités de l’État ont la responsabilité de respecter et de garantir les droits de l’homme. Les dispositions spécifiques pour la mise en œuvre des traités y relatifs doivent être déterminées par la loi.
Norvège
Protection contre la discrimination dans l’emploi et la profession
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Traité ratifié1
Discrimination fondée sur la religion/ Qualifications inhérentes à la profession/ Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Un collège d’obédience chrétienne avait adopté un règlement dans lequel il était stipulé que les personnes employées pouvaient être interrogées sur leurs convictions religieuses. Cette disposition avait notamment provoqué la démission du directeur administratif du collège. Le Tribunal de première instance fut saisi en annulation du règlement. Le Tribunal estima que le droit d’interroger les personnes sur leur foi était fondé dans le cas des chercheurs et enseignants du collège mais pas pour le poste de directeur administratif. En appel, la cour estima que ce règlement était illégal vis-à-vis de tous les postes concernés. Le collège saisit la Cour suprême de Norvège mais seulement pour le cas des enseignants.
La Cour suprême a d’abord tenu à préciser le sens de l’article de la loi norvégienne relative à la discrimination dans l’emploi et la profession en l’interprétant à la lumière du droit international:
«Avant que la loi sur la protection des travailleurs et l’environnement de travail soit adoptée2, la Norvège avait ratifié la convention n° 111 de l’OIT. Nous devons supposer que l’article 55 À) de la loi3 n’est pas en conflit avec les obligations qui ont été contractées par la Norvège à travers la ratification. Je vais également me référer ici à ce qui a été dit au sujet de la convention de l’OIT durant les travaux préparatoires de (…) la loi. Il est à mon avis incontestable que de l’importance doit être attachée à la convention dans l’interprétation de l’article 55.
Selon l’article 55 À), les dispositions qui interdisent l’obtention d’une information ne s’appliquent pas si une telle information est justifiée par la nature du poste. La question juridique essentielle dans ce cas est de savoir si cette clause d’exception doit être entendue de façon à ce que les circonstances dans lesquelles cette information est demandée doivent être en rapport avec une qualification absolument nécessaire pour un poste individuel, ou s’il est suffisant que la qualité en question soit nécessaire à l’intérieur de la catégorie de postes concernées.»
La Cour suprême de Norvège s’est ensuite livrée à une interprétation de l’article 55 de la loi norvégienne et a estimé que «L’objet général du poste peut être pris en considération comme un facteur d’évaluation du poste individuel.». Cette interprétation donnait la possibilité de procéder à une évaluation du poste non seulement en fonction des qualifications exigées pour ce poste en particulier mais aussi en fonction de la nature du poste en général.
La Cour suprême a ensuite tenu à vérifier que son interprétation était conforme à la convention n° 111 de l’OIT:
«L’interprétation de l’article 55 dont j’ai fait mon principe ici semble être en accord avec ce qui est peut-être défini comme une conséquence naturelle de le disposition d’exception de l’article 1 2) de la convention de l’OIT. Le texte anglais est ainsi rédigé: «Any distinction, exclusion or preference in respect of a particular job based on the inherent requirements thereof shall not be deemed to be discrimination.»
L’expression «inherent requirements» doit être entendue comme se référant aux qualifications qui sont immanentes ou naturellement attachées au poste. Je ne peux donc pas interpréter cette disposition d’une telle façon qu’elle admette des exceptions uniquement lorsque les qualités qui sont nécessaires pour l’accomplissement ou naturellement attachées au poste individuel sont en question. Je note que les travaux préparatoires de la convention (…) nous donnent peu d’orientations sur le sens de l’expression «inherent requirement».
Le texte français, qui fait autant autorité que le texte anglais est ainsi rédigé: «Les distinctions, exclusions ou préférences fondées sur les qualifications exigées pour un emploi déterminé ne sont pas considérées comme des discriminations.»
Ici, donc, les mots «les qualification exigées» sont utilisées. Dans une version préliminaire, la condition préalable découlant de cette expression était renforcée par le mot «nécessairement» qui a été supprimé dans la formulation finale. Je pense que cette altération corrobore mon interprétation de la disposition de la convention.»
La Cour suprême de Norvège a donc interprété la législation nationale à la lumière du droit international et a estimé que l’objectif général du poste pouvait être pris en considération comme facteur d’évaluation des qualifications exigées pour un poste individuel. La Cour a tenu à affirmer qu’il était important de prendre en compte la convention n° 111 de l’OIT lors de l’interprétation de la législation nationale concernant la discrimination dans l’emploi et la profession.
1 Convention (n° 111) de l’OIT concernant la discrimination (emploi et profession), 1958.
3 Article 55 de la loi de 1977 sur la protection des travailleurs et l’environnement de travail:
«L’employeur ne peut, ni par le biais des offres d’emploi ni par d’autres méthodes, demander aux candidats de fournir des informations concernant leurs opinions politiques, religieuses ou culturelles ou bien relatives à leur éventuelle affiliation syndicale. L’employeur ne doit pas non plus tenter d’obtenir de telles informations par d’autres moyens. Ces dispositions ne s’appliquent pas si la nature du poste justifie que de telles informations soient fournies.»