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Cour suprême de justice de Paraguay, Recours en inconstitutionnalité introduit par la Central Unitaria de Trabajadores (CUT) et la Central Nacional de Trabajadores (CNT) c. le décret n° 16769 adopté par l’Exécutif, 23 septembre 2000, n° 35

Constitution nationale du Paraguay

Article 137, paragraphe 1

La loi suprême de la République est la Constitution. Celle-ci, les traités et accords internationaux signés et ratifiés, les lois promulguées par le Congrès et les autres dispositions juridiques de rang inférieur, adoptées en conséquence, composent l’ordonnancement juridique national dans l’ordre de préséance énoncé (…). 

Article 141

Les traités internationaux valablement adoptés, approuvés par le Congrès par le biais d’une loi, et dont les instruments de ratification ont été échangés ou déposés, font partie de l’ordonnancement juridique interne selon la hiérarchie fixée par l’article 137. 

Code du travail

 Article 6

En l’absence de normes légales ou contractuelles du travail exactement applicables au cas à l’étude, il sera statué conformément à l’équité, aux principes généraux du droit du travail, des dispositions des conventions de l’Organisation internationale du Travail applicables au Paraguay, aux principes du droit commun non contraires à ceux du droit du travail, à la doctrine et à la jurisprudence, à la coutume ou aux usages locaux.

Pays:
Paraguay
Sujet:
Liberté syndicale
Type d’utilisation du droit international:
Référence au droit international pour renforcer une solution fondée sur le droit national
Type d’instruments utilisés:

Traité ratifié1

Liberté syndicale/ Décret adopté par l’Exécutif établissant les procédures d’élection à la direction des organisations syndicales/ Référence au droit international pour renforcer une solution fondée sur le droit national

Les syndicats demandeurs introduisirent un recours en inconstitutionnalité contre un décret adopté par l’Exécutif et établissant les normes pour l’élection de la direction des organisations syndicales2. Les demandeurs alléguèrent que le décret violait le principe de la  liberté syndicale tel que reconnu par la Constitution nationale.

Afin de déterminer si les dispositions adoptées par l’Exécutif pour régir l’élection de la direction des organisations syndicales étaient inconstitutionnelles, la Cour suprême analysa la Constitution nationale3 et se référa à la convention n° 87 de l’OIT4, laquelle garantit  l’autonomie effective des organisations pour élire librement leurs représentants et établit en outre l’abstention de toute intervention de la part des autorités publiques. La Cour considéra que, sur la base de ladite convention internationale, le décret de l’Exécutif établissant des normes précises régissant dans les détails les élections syndicales constituait une entrave au droit des syndicats à la liberté d’élection de leurs dirigeants et une interférence indue de la part des autorités publiques.

La Cour suprême se prononça en ces termes:

«Sous le prétexte, exposé dans le titre du décret, d’établir des normes pour l’élection de la direction des organisations syndicales, le texte en question annule la personnalité juridique des syndicats dont les statuts ne respecteraient pas ses dispositions, incorpore de nouveaux organismes dans le système électoral syndical, permet l’intervention de l’autorité administrative du travail dans la formation de ces organismes, (…) dresse les modalités de rédaction des modèles (…), dispose des délais pour les plaintes et les réclamations et instaure les mécanismes pour obliger les fédérations et confédérations à communiquer au préalable au Ministère du travail les modèles qu’elles utiliseront, (…), fixe la date de convocation, ordonne sa publication dans les journaux et institue la nature obligatoire de la désignation des délégués. Quant aux candidatures, le décret ouvre la possibilité que l’autorité administrative du travail se charge des élections dans certaines circonstances (…).»

De même, la Cour suprême affirma:

«L’intention du décret de l’Exécutif n’est pas de mettre en application le principe constitutionnel, mais d’éliminer des droits consacrés par la Constitution et les conventions internationales signées par le Paraguay (article 97 et correspondants de la Constitution nationale et convention nos 87 de l’OIT, articles 3, 4, 7)5. Outre à violer la Constitution nationale, le décret en question est également contraire aux dispositions de la convention n° 87 relative à la liberté syndicale et à la protection du droit d’association.»

Enfin, la Cour cita expressément les articles 2 et 3 de ladite convention6.

En conséquence, la Cour suprême de justice de Paraguay se fonda sur la Constitution nationale et fit référence à la convention n° 87 de l’OIT pour rejeter le décret de l’Exécutif, déclarant son inconstitutionnalité parce qu’il établissait des normes et procédures pour les élections des dirigeants syndicaux, interférant dans le droit des organisations d’élire librement leurs représentants.


1 Convention (n° 87) de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.

2 Décret n° 16769 de 1993.

3 Article 97 de la Constitution de Paraguay: «Les syndicats ont le droit de promouvoir des actions collectives et de conclure des conventions sur les conditions de travail. L’État appuiera les solutions conciliatoires des conflits professionnels et la concertation sociale. L’arbitrage sera facultatif.»

4 Conformément à la Constitution de Paraguay, les conventions internationales priment les lois nationales. Article 137 1) de la Constitution: «La loi suprême de la République est la Constitution. Celle-ci, les traités et accords internationaux signés et ratifiés, les lois promulguées par le Congrès et les autres dispositions juridiques de rang inférieur, adoptées en conséquence, composent l’ordonnancement juridique national dans l’ordre de préséance énoncé.»

5 Article 3 1) de la convention n° 87: «Les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d’action.»

Article 3 2) de la convention n° 87: «Les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal.»

Article 4 de la convention n° 87 : «Les organisations de travailleurs et d’employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative.»

Article 7 de la convention n° 87 : «L’acquisition de la personnalité juridique par les organisations de travailleurs et d’employeurs, leurs fédérations et confédérations, ne peut être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause l’application des dispositions des articles 2, 3 et 4 ci-dessus.»

6 Article 2 de la convention n° 87: «Les travailleurs et les employeurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières.»

Texte intégral de la décision