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Cour suprême de justice de la République, Chambre permanente du droit constitutionnel et social, 26 mai 2011, affaire 1426-2010

Constitution du Pérou

Article 3

L’énumération des droits établis à ce chapitre ne porte pas préjudice aux autres droits garantis par la Constitution, ni à ceux de nature analogue ou basés sur la dignité de l’être humain ou sur les principes de souveraineté du peuple, de l’État démocratique de droit et de la forme républicaine de gouvernement.

Article 55

Les traités ratifiés par l’État et en vigueur font partie du droit  national.

Article 56

Les traités doivent être approuvés par le Congrès avant leur ratification par le Président de la République, chaque fois qu’ils traitent des matières suivantes:

1. Droits de la personne; 2. Souveraineté, frontières ou intégrité de l’État; 3. Défense nationale; 4. Obligations financières de l’État.

Article 57, paragraphe 2

Lorsque le traité affecte des dispositions constitutionnelles, il doit être approuvé par le biais de la même procédure régissant la réforme de la Constitution, avant d’être ratifié par le Président de la République.

Disposition finale transitoire n° 4

Les normes relatives aux droits et libertés que la Constitution reconnaît sont interprétées en conformité avec la Déclaration universelle des droits de l’homme et avec les traités et accords internationaux traitant des mêmes matières ratifiés par le Pérou.

Loi Péruvienne sur les procédures du travail (n ° 29497 de 2010)

Disposition supplémentaire n° 10

En vertu de la quatrième disposition finale et transitoire de la Constitution politique du Pérou, les droits sociaux, individuels et collectifs doivent être interprétés en conformité avec la Déclaration universelle des droits de l’homme et avec les traités et accords internationaux en la matière ratifiés par le Pérou, sans préjudice de la consultation des avis des organes de contrôle de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et des opinions ou décisions adoptés par les tribunaux internationaux constitués selon des traités auxquels le Pérou est partie.

Pays:
Pérou
Sujet:
Négociation collective
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traités ratifiés;1 travaux des organes de contrôle internationaux2

Négociation collective/ Négociation salariale/ Restrictions budgétaires/ Circonstances exceptionnelles/ Interprétation du droit national à la lumière du droit international

L’entreprise SEDAPAR S.A. (entreprise d’État de droit privé) a remis en question l’arbitrage du tribunal arbitral, qui avait été appelé à résoudre un problème relatif à une négociation collective avec le syndicat des travailleurs, au motif qu’elle s’était déroulée en violation des dispositions de la loi temporaire sur le budget du secteur public, qui interdisait expressément l’octroi d’augmentations de salaires.

La Cour nota que l’entreprise et le syndicat s’étaient soumis volontairement et librement à la sentence arbitrale et que, dans le cadre de l’arbitrage, chaque partie avait eu l’occasion de présenter ses propositions finales, et d’étudier celles de la partie adverse. Le tribunal arbitral avait décidé d’accorder la primauté au droit constitutionnel à la négociation collective sur toute intervention de l’État qui le restreint ou, en général, l’affectent de manière négative, absolue et définitive, affirmant l’inconstitutionnalité des actes de l’État qui, comme c’était le cas, empêchent, par des règles budgétaires et d’austérité, déraisonnablement et irrévocablement les partenaires sociaux de régir leurs intérêts par le biais d’une convention collective. Toute autre interprétation serait contraire à l’autonomie collective consacrée par la Constitution et reconnue par les traités internationaux ratifiés par le Pérou.

La Cour suprême considéra que l’affaire devait être entendue « à la lumière du cadre constitutionnel et des traités internationaux en la matière, qui régissent, garantissent et promeuvent le droit à la négociation collective, conformément à la disposition contenue dans la quatrième disposition finale et transitoire de la Constitution de l’État. »

Sur cette base, la Cour conclut que, conformément à l’article 28 de la Constitution, l’État reconnaît le droit des travailleurs à la négociation collective et encourage et favorise le règlement pacifique des conflits du travail. Par conséquent, l’État ne peut pas contredire ce mandat en limitant l’action possible de l’arbitrage ou tout autre moyen pacifique de règlement des différends.

Statuant ainsi, la Cour suprême rappela également qu’au niveau international, il convenait de se référer aux conventions nos 87 et 98 de l’OIT, qui englobent dans leur champ d’application les travailleurs des secteurs privé et public, avec les seules exceptions prévues dans la Constitution nationale, et en particulier que:

« l’article 4 de la convention n° 98 constitue un principe herméneutique fondamental auquel il faut se référer pour comprendre l’essence de la négociation collective, en prenant toujours en considération le fait que l'un de ses principaux objectifs est d'améliorer la vie et les conditions de travail de ses bénéficiaires »3.

Tout en confirmant la sentence du tribunal arbitral en se référant à la convention n° 98 de l’OIT, la Cour suprême fit remarquer qu’il n’existait pas de droits absolus et que le droit à la négociation collective lui-même pouvant être limité dans la mesure où les restrictions n’en affectent pas la substance et que les restrictions visées poursuivent un objectif légitime, idoine et nécessaire. Se référant aux décisions du Comité de la liberté syndicale du Conseil d’administration du BIT, la Cour estima que cette finalité pourrait répondre à une situation de crise économique grave requérant que l’État adopte une politique de stabilisation afin de fixer des restrictions au contenu de la négociation collective en matière salariale, pour autant que ces restrictions: a) soient précédées de consultations avec les organisations de travailleurs et d’employeurs; b) revêtent un caractère exceptionnel; c) se limitent à l’indispensable; d) n’excèdent pas une période raisonnable; et e) soient accompagnées de garanties visant à protéger le niveau de vie des travailleurs.4


1 Convention (n° 87) de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; convention (n° 98) de l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

2 Comité de la liberté syndicale de l’OIT.

3 Considérant n° 6 de l’arrêt.

4 OIT, La liberté syndicale. Recueil de décisions et principes du Comité de la liberté syndicale du Conseil d’administration du BIT, quatrième édition (révisée), Genève, 1996, par. 882. Dans la version mise à jour (cinquième édition, 2006), voir le paragraphe 1024.

Texte intégral de la décision