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Cour suprême de justice, Chambre constitutionnelle, 8 octobre 1993, décision n° 5000-93

Constitution du Costa Rica

Article 7, paragraphe 1

Les traités publics, accords internationaux et concordats régulièrement approuvés par l’Assemblée législative auront une autorité supérieure à celle des lois internes, à partir du moment de leur entrée en vigueur ou à partir du jour fixé par la loi.

Pays:
Costa Rica
Sujet:
Licenciement , Liberté syndicale
Type d’utilisation du droit international:
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traités ratifiés;1 instruments non soumis à ratification2

Liberté syndicale/ Licenciement/ Recours pour violations des libertés et des droits fondamentaux – procédure d'amparo/ Statut protecteur des représentants syndicaux/ Réintégration dans l'emploi

Une procédure d'amparo avait été ouverte devant la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice en faveur de trois membres du Comité permanent des travailleurs d'une société de laquelle ils avaient été licenciés alors qu'ils entamaient des démarches pour renégocier la convention collective en vigueur. Les requérants invoquèrent un licenciement injustifié, faisant obstacle à l'exercice de la liberté syndicale et au droit de négociation collective de tous les travailleurs de la société en question. De son côté, la société incriminée s'est défendue en expliquant que les renvois n'étaient pas fondés sur les activités syndicales des travailleurs mais bien motivés par des raisons économiques et que la rupture des contrats de travail s'était accompagnée du paiement des indemnités légales.

Le problème résidait dans le fait que, à l'époque, la législation du Costa Rica ne prévoyait pas de statut spécifique destiné à protéger les représentants des travailleurs, situation conduisant à la possibilité de licencier ces derniers sans motif comme n'importe quel autre travailleur moyennant le simple paiement des indemnités prévues par la loi.

Après avoir fait remarquer que la Constitution nationale reconnaît la liberté d'association et la liberté syndicale, la Cour analysa le contenu des instruments internationaux qui protègent l'exercice de la liberté syndicale, en se concentrant particulièrement sur l'article 1 de la convention n° 1353, sur l'article 1 de la convention n° 984 et sur l'article 8 2) de la convention n° 875 de l'OIT.

La juridiction constitutionnelle considéra qu'il ressortait de ces instruments la nécessité d'établir une protection spéciale pour les représentants des travailleurs contre les licenciements dénués de raison objective. Dans le cas de ces travailleurs, la rupture du contrat de travail ne devait être valable qu’une fois démontré que le représentant avait violé ses obligations particulières et générales6.

S'appuyant sur l'article 7 de la Constitution du Costa Rica qui attribue aux traités internationaux ratifiés la primauté sur les lois nationales, la Cour souligna que les conventions internationales mentionnées devaient être appliquées. Elle établit ensuite que les articles de portée générale de la Constitution7 et du Code de travail du Costa Rica8, qui reconnaissent la liberté syndicale et interdisent à l'employeur d'entreprendre la moindre action visant à inciter les travailleurs à se retirer d'un syndicat, étaient conformes à la teneur des instruments internationaux.

En se basant principalement sur les conventions nos 135, 98 et 87, la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice du Costa Rica annula le licenciement des trois représentants des travailleurs et ordonna la réintégration à leur poste et dans leurs fonctions de représentants. La Cour décida également que la même argumentation juridique était applicable au licenciement de simples travailleurs lorsque la rupture du contrat a pour cause, explicite ou non, leur appartenance à une association ou à un syndicat.


1 Convention (n° 87) de l'OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; convention (n° 98) de l'OIT sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; convention (n° 135) de l'OIT concernant les représentants des travailleurs, 1971; Pacte international des droits civils et politiques, 1966; Convention américaine relative aux droits de l’homme (« Pacte de San José de Costa Rica »), 1969.

2 Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme, 1948; Déclaration universelle des droits de l'homme, 1948.

3 Article 1 de la convention n° 135: «Les représentants des travailleurs dans l'entreprise doivent bénéficier d'une protection efficace contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu'ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur.»

4 Article 1 de la convention n° 98: «1. Les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi. 2. Une telle protection doit notamment s'appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de: a) subordonner l'emploi d'un travailleur à la condition qu'il ne s'affilie pas à un syndicat ou cesse de faire partie d'un syndicat; b) congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l'employeur, durant les heures de travail.»

5 Article 8 2) de la convention n° 87: «La législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention.»

6 La décision du tribunal a été traduite au niveau législatif par la loi n° 7360 du 4 novembre 1993.

7 Article 60 de la Constitution du Costa Rica.

8 Article 70 du Code du travail du Costa Rica.

Texte intégral de la décision