Cour supérieure australienne, Qantas Airways Limited c. Christie, 19 mars 1998, [1998] HCA 18
Australie
Licenciement , Protection contre la discrimination dans l’emploi et la profession
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Traités ratifiés;1 instrument non soumis à ratification2
Pilote licencié/ Recours pour discrimination fondée sur l’âge/ Utilisation du droit international pour préciser le sens des dispositions nationales applicables
Un pilote, licencié le jour de son soixantième anniversaire, avait déposé un recours à l’encontre de son employeur, Qantas Airways Limited (ci-après «Qantas»). Le salarié alléguait que son licenciement constituait une mesure discriminatoire fondée sur l’âge violant la loi de 1988 sur les relations industrielles (Cth) (ci-après la Loi). Cette Loi prévoit qu’un employeur ne peut mettre un terme à une relation de travail sur le fondement de l’âge3.
Afin d’établir si la Loi était applicable au litige, la Cour supérieure australienne a d’abord déterminé s’il y avait eu «licenciement» au sens de la Loi. La Cour a ensuite précisé le sens de l’expression «qualifications exigées», puisque, en vertu de la loi nationale, il n’est pas illégal de mettre un terme à la relation de travail sur le fondement de l’âge si celui-ci est considéré comme constituant une qualification exigée pour ce poste4.
Vis-à-vis de ces deux points, trois des cinq juges de la Cour ont eu recours au droit international afin d’interpréter la législation nationale et résoudre ainsi le litige. S’exprimant de manière générale sur l’interprétation de dispositions législatives nationales à l’aide d’instruments internationaux, le juge Kirby a déclaré:
«Dans le cas où une loi nationale contient des mots provenant de sources internationales, il est légitime pour une Cour de se référer à ces sources pour déterminer le sens de ces mots. Il s’agit là d’une approche en accord avec les pouvoirs de cette Cour. De plus, en l’espèce, cette solution trouve un appui spécifique dans la loi des relations industrielles qui prévoit que les expressions inclues dans la Loi auront le même sens que celles inclues dans la convention de l’OIT sur le licenciement devrait être utilisée pour interpréter les dispositions de la Loi qui sont similaires à celles de la convention n° 158 de l’OIT sur le licenciement.»5
Les juges ont donc ensuite utilisé le droit international pour interpréter les dispositions nationales commandant la résolution du litige.
Quant à la soumission de la rupture du contrat de travail faisant l’objet du litige aux dispositions de la loi nationale sur le licenciement, le juge Gummow a affirmé que, l’article 170 CB établit que les expressions de la division 3 (NDR: celle des articles concernés dans le recours) ont la même signification que dans la convention n° 158 de l’OIT, laquelle est reproduite dans l’annexe 10 de la Loi. Son article 3 établit qu’«Aux fins de la présente convention, le terme licenciement signifie la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur.»6
S’appuyant notamment sur cette source de droit, le juge a conclu que Qantas avait bien licencié son pilote au sens de la Loi et que celui-ci s’avérait donc bien applicable au litige.
Quant à l’expression «qualifications exigées», le juge McHugh a affirmé que «même si l’article 170 DF 1) f) prohibe la cessation de la relation de travail sur le fondement de l’âge, l’article 170 DF 2) rend cette interdiction inapplicable si le licenciement a pour cause une «qualification exigée pour un poste déterminé», une expression dont la signification doit être confirmée par celle des dispositions étant à son origine. Ces dispositions sont celles de l’article 1 2) de la convention n° 111 de l’OIT qui établit que «les distinctions, exclusions ou préférences fondées sur les qualifications exigées pour un emploi déterminé ne sont pas considérées comme des discriminations.»7 Le juge a établi que, dans le présent cas, l’âge d’un pilote pouvait être une qualification exigée pour son poste, puisque au-delà de soixante ans il ne serait légalement plus apte à piloter la majorité des vols internationaux desservis par Qantas. En effet, à l’exception de trois États, tous ceux desservis par Qantas étaient partie à la Convention relative à l’aviation civile internationale, en vertu de laquelle il est interdit aux pilotes de plus de soixante ans d’être aux commandes de vols internationaux.
L’utilisation de la convention n° 158 de l’OIT a permis à la Cour supérieure australienne de préciser le sens de la loi nationale applicable au litige. Elle a ainsi pu déterminer qu’il y avait eu, en l’espèce, licenciement, mais que l’âge pouvait constituer une qualification exigée dans le cas d’un pilote d’avion. Sur ce fondement, la Cour a reconnu le caractère non discriminatoire de la rupture du contrat de travail.
1 Convention (n° 111) de l’OIT concernant la discrimination (emploi et profession), 1958; convention (n° 158) de l’OIT sur le licenciement, 1982; Convention relative à l’aviation civile internationale, 1944.
3 Article 170 DF 1) f) de la Loi: «Un employeur ne peut mettre un terme à la relation de travail pour un ou plusieurs des motifs suivants, ou pour des motifs incluant ceux-ci: (…) f) l’âge.»