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Cour fédérale australienne, le Commonwealth de Australie c. Commission des droits de la personne et de l’égalité de chances, 15 décembre 2000, [2000] FCA 1854

Pays:
Australie
Sujet:
Protection contre la discrimination dans l’emploi et la profession
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

traité ratifié;1 travaux des organes de contrôle internationaux2

Officier de la marine non sélectionné pour une promotion/ Recours pour discrimination fondée sur l’âge/ Utilisation du droit international pour déterminer si le terme «discrimination» de la loi nationale incluait la discrimination indirecte

Un officier de la marine australienne, âgé de 47 ans, n’avait pas été sélectionné par la Commission de nomination pour une promotion à un grade supérieur. Il avait déposé un recours à l’encontre de cette décision, alléguant qu’elle était discriminatoire sur le fondement de l’âge et que, par conséquent, elle violait l’article 3 1) de la loi de 1986 sur les droits de la personne et l’égalité de chances (ci-après la Loi)3.

Le droit national ne permettant pas de préciser si le terme «discrimination» de l’article 3 1) de la Loi incluait la discrimination indirecte, la Cour fédérale australienne a eu recours à plusieurs instruments internationaux afin de résoudre ce problème interprétatif. Elle s’est non seulement référée à la convention n° 111 de l’OIT concernant la discrimination (emploi et profession), mais également aux travaux des organes de contrôle de l’OIT permettant de préciser le sens et la portée de cette convention.

Dans son jugement, la Cour a affirmé:

«la Loi a été adopté afin que l’État australien remplisse ses obligations internationales relatives à la convention n° 111 de l’OIT. En conséquence, les paragraphes 1 et 2 de l’article 1er de cette convention devraient être la source d’interprétation du mot «discrimination» de l’Article 3 1) de la Loi, la définition de ce terme dans le précédent article reprenant en substance celle desdits paragraphes de la convention n° 111 de l’OIT. La définition du terme «discrimination» de la Loi devrait donc être analysée en conformité avec l’interprétation qui est attribuée en droit international au terme «discrimination» de la convention n° 111 de l’OIT.»4

«Il semble donc y avoir un appui solide, en vertu non seulement des différentes opinions exprimées par la Commission d’experts, incluant celle de 19965, mais également dans le rapport de la Commission d’enquête au sujet de la Roumanie, à l’effet que le terme «discrimination» de la convention n° 111 de l’OIT, et par conséquent de l’article 3 1) de la Loi, inclut la discrimination indirecte».6 Le juge a rappelé qu’en 1988, dans son Etude d’ensemble sur l’égalité dans l’emploi et la profession, la Commission d’experts avait défini la discrimination indirecte comme se référant à «des situations où des réglementations et des pratiques apparemment neutres aboutissant à des inégalités à l’encontre de personnes présentant certaines caractéristiques ou appartenant à certains groupes présentant des caractéristiques déterminées (race, couleur, sexe, religion, par exemple).»7

L’utilisation comme outil d’interprétation de la convention n° 111 de l’OIT et des travaux des organes de contrôle de l’OIT relatifs à cette convention a donc permis à la Cour fédérale australienne de préciser que la législation nationale sur la discrimination dans l’emploi et la profession s’appliquait bien aux cas de discrimination indirecte. Sur ce fondement, la Cour a reconnu le caractère discriminatoire du refus de promotion.

2 Commission d’experts pour l’application des conventions et des recommandations de l’OIT; Commission d’enquête instituée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT pour examiner la plainte relative à l’observation par la Roumanie de la convention n° 111 concernant la discrimination (emploi et profession), 1958.

3 Cet article définit ainsi la discrimination:

«a) Toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur , le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité des chances ou de traitement en matière d’emploi ou de professions; et

b) Toute autre distinction, exclusion ou préférence qui:

(i) a pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité d’opportunité ou de traitement en matière d’emploi ou de profession; et

(ii) qui a été reconnu comme discriminatoire aux fins de cette Loi;

Mais n’inclut pas toute distinction, exclusion ou préférence:

c) fondées sur les qualifications exigées pour un emploi déterminé.»

4 Paragraphes 30 et 31 de la décision.

5 Le juge fait ici référence à l’étude spéciale de 1996 de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations qui portait sur l’égalité dans l’emploi et la profession, et plus précisément à ses paragraphes 25 et 26 (BIT: Egalité dans l’emploi et la profession, Etude spéciale de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 83e session, Genève, 1996, rapport III(4B)).

6 Paragraphe 45 de la décision.

7 BIT: Egalité dans l’emploi et la profession, Etude d’ensemble de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 75e session, Genève, 1988, rapport III(4B), paragraphe 28, note 1, cité au paragraphe 37 de la décision.

Texte intégral de la décision