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Cour de district des États-Unis, Roe c. Bridgestone Corp., 492 F. Supp. 2d 988 (S.D. Ind. 2007)

Pays:
États-Unis
Sujet:
Travail des enfants
Type d’utilisation du droit international:
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traité ratifié;1Traité non ratifié;2 Travaux des organes de contrôle internationaux;3 Rapport du Bureau international du Travail4 

Allégations de violations du droit international en matière de travail forcé et de travail des enfants / Rejet des allégations avancées par des travailleurs adultes de travail forcé sur la base du droit international / Rejet de la motion du défendeur avançant l’absence de compétence dans le droit national pour l’action des demandeurs libériens mineurs/ Clarification sur le caractère suffisamment spécifique, universel et obligatoire de la Convention n° 182 de l’OIT / Résolution directe du litige sur le fondement du droit international 

Les requérants, des adultes et des mineurs travaillant au sein de la plantation de caoutchouc Firestone au Liberia, alléguèrent de violations du droit international, notamment de cas de travail forcé et de travail des enfants, au titre de l’Alien Tort Statute (ATS). 

Concernant les allégations relatives au travail forcé, la cour constata que les requérants n’avaient pas déclaré que les défendeurs ne les avaient pas payés, ou avaient utilisé la force physique ou des contraintes juridiques, mais qu’ils avaient plutôt invoqué le fait qu’ils étaient contraints de travailler en raison de leur pauvreté, de leur crainte et de leur ignorance. La cour indiqua également que «cette distinction de base entre les conditions difficiles dont un employeur est responsable ou non est reconnue dans la définition du travail forcé donnée par l’OIT dans sa convention n° 29 de 1930. Le travail forcé désigne tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré».5 

La cour cita le Rapport global de l’OIT Une alliance mondiale contre le travail forcé au motif que « le travail forcé ne saurait être considéré comme simplement synonyme de salaire peu élevé et de mauvaises conditions de travail. De même, n’entrent pas en ligne de compte les situations qui relèvent de la pure et simple nécessité économique – c’est le cas, par exemple, de l’individu qui se sent dans l’impossibilité de quitter un emploi du fait de l’absence réelle ou supposée d’alternatives d’embauche».6 De surcroît, la cour examina la liste des caractéristiques identifiant le travail forcé en pratique, incluse dans le rapport susmentionné, et soutint que «ni le rapport de l’OIT ni les requérants n’expliquent dans quelle mesure une menace de licenciement constitue une “menace d’une peine quelconque” soumettant à un travail forcé. Il semblerait que la peur exprimée de perdre son emploi actuel indique clairement que ce dernier n’est pas un travail forcé.»7 

La cour convint que malgré l’existence d’un «large consensus international selon lequel au moins certaines pratiques extrêmes dénommées “travail forcé” violent les normes internationales universelles  et contraignantes»,8 les pratiques de travail en cause au sein de la plantation reposent «dans une certaine mesure sur une ligne continue allant des violations flagrantes du droit international … à des situations plus ambiguës impliquant de mauvaises conditions de travail et des salaires maigres ou relevant de l’exploitation.»9

La cour trouva finalement les arguments des défendeurs plus convaincants et accueillit la demande de rejet de la requête des travailleurs adultes alléguant un travail forcé. 

Concernant les allégations relatives au travail des enfants, les accusés cherchaient à rejeter l’action des plaignants, des enfants libériens, au titre des conventions nos 138 et 182 de l’OIT, faisant valoir le manque de compétence en la matière au titre de l’ATS en se fondant sur le fait que les plaignants n’allèguent pas la violation des normes internationales qui sont suffisamment spécifiques, universelles et obligatoires pour répondre aux critères de l’ATS. Rejetant la requête, la cour nota que si la convention n° 138 de l’OIT, qui permet aux États Membres, à différents stades de leur développement économique, d’établir leurs propres âges minimum, est un instrument flexible, la convention n° 182 de l’OIT est très spécifique quant à l’interdiction de l’esclavage, du travail forcé ou obligatoire (etc.), ainsi que du «travail qui, par sa nature ou les circonstances dans lesquelles il est réalisé, est susceptible de nuire à la santé, la sécurité ou la moralité des enfants». Elle conclut: «À la lumière de la convention n° 182 de l’OIT, la cour considère que les allégations de travail des enfants répondent aux critères [Sosa] des revendications de l’ATS. Il ne faut pas faire preuve d’une grande “créativité judiciaire” pour comprendre que même le travail rémunéré des très jeunes enfants dans ces emplois pénibles et dangereux est une violation des normes internationales».10

 


3 Commission d’enquête de l’OIT créée pour examiner la plainte concernant l’observation par le Myanmar de la convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930.

4 OIT, Une alliance mondiale contre le travail forcé, Rapport du Directeur général, Rapport I(B), Conférence internationale du Travail 93e session, 2005.

5 Page 48 de la decision.

6 Page 50 de la decision.

7 Page 52 de la décision.

8 Page 44 de la décision.

9 Ibid.

10 Page 69 de la décision.

Texte intégral de la décision