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Cour d’appel du travail, Hugo Humberto Rodríguez Rojas et al. c. Wackenhut de Honduras S. À. de C. V. conc. requête ordinaire du travail, 10 octobre 2006

Pays:
Honduras
Sujet:
Protection contre la discrimination dans l’emploi et la profession , Liberté syndicale
Type d’utilisation du droit international:
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traités ratifiés;1 instruments non soumis à ratification2

Processus de création d’un syndicat dans une entreprise de sécurité privée/ licenciement des dirigeants syndicaux provisoires sans autorisation judiciaire/ contestation par l’employeur du droit de se syndiquer des salariés d’entreprises de sécurité/ utilisation du droit international pour résoudre directement le litige

Quarante-deux travailleurs d’une entreprise de sécurité privée entamèrent devant l’administration du travail la procédure d’enregistrement d’un syndicat. Avant que leur organisation n’ait officiellement obtenu la personnalité juridique, plusieurs membres de la direction provisoire du syndicat furent licenciés suite à leur refus de travailler pour un des clients de l’entreprise.

Une partie de ces travailleurs saisit la justice pour faire reconnaître l’invalidité de leur licenciement, considérant qu’ils étaient protégés par le Code du travail du Honduras qui subordonne le licenciement des membres de la direction d’un syndicat, y compris d’un syndicat ne disposant pas encore de la personnalité juridique, à une décision de justice préalable.

De son côté, l’employeur affirma que les formalités administratives d’enregistrement du syndicat n’étaient pas achevées et que, par conséquent, le syndicat n’existait pas à la date du licenciement, que les nominations de responsables syndicaux à titre provisoire ne pouvaient durer que trente jours, raison pour laquelle ces nominations avaient expiré au moment du licenciement. Il contestait également le droit de se syndiquer des salariés des entreprises de sécurité privées sur la base de la « loi sur la police » et de l’article 534 du Code du travail qui exclut du droit à la liberté syndicale les corps et services de police. Il convient de noter que les contrats de travail des salariés de l’entreprise contenaient une clause de renonciation à l’exercice de la liberté syndicale.

S’appuyant sur les traités internationaux ratifiés par le Honduras en matière de liberté syndicale, le tribunal de première instance saisi de l’affaire reconnut le droit à la liberté syndicale des demandeurs et leur attribua une partie des indemnités et compensations pécuniaires réclamées. Tant l’employeur que les travailleurs firent appel de cette décision, ces derniers n’ayant pas obtenu toutes les indemnités demandées.

Devant la juridiction de deuxième instance, l’employeur contesta de nouveau le droit de se syndiquer des salariés des entreprises de sécurité privée ainsi que l’applicabilité de la protection spéciale contre le licenciement prévue par le Code du travail aux membres de syndicats ne disposant pas encore de la personnalité juridique. Il réclama enfin que soient pris en compte dans l’analyse de l’affaire les résultats d’une inspection menée par l’administration du travail à l’issue de laquelle il avait été relevé que plusieurs travailleurs avaient renoncé à faire partie du syndicat.

Pour trancher ces trois points, la Cour d’appel se référa aux conventions nos 87 et 98 de l’OIT:

« CONSIDÉRANT: Que des travailleurs se sont organisés afin de s’associer au sein d’un syndicat, ceux-ci se sont automatiquement placés sous la protection de l’État, de sorte qu’il n’était pas possible pour l’employeur de mettre fin au contrat de travail d’aucun d’entre eux sans que la cause ne soit préalablement qualifiée par le tribunal compétent (…). Toute activité patronale telle que celle réalisée avec l’appui des autorités administratives consistant à établir et à obtenir des actes de renonciation de la part de travailleurs est contraire à la protection que l’État doit accorder en la matière. La convention n° 98 de l’OIT citée par le tribunal de première instance dans la décision attaquée dispose ainsi dans son article 1. Dans ce sens, il n’est pas possible d’accueillir ces moyens de preuve dans le sens prétendu par l’employeur. »

« CONSIDÉRANT: Que la convention n° 87 de l’Organisation internationale du Travail, relative à la liberté syndicale et à la protection du droit de se syndiquer n’établit aucune sorte de distinction entre les travailleurs et ne conditionne pas non plus la création des organisations syndicales à une autorisation préalable, il en résulte que la protection est effective à partir du moment où les travailleurs communiquent leur décision de s’organiser, sans que soit requise la reconnaissance de la personnalité juridique. Vis-à-vis du type d’activité effectué par les travailleurs dans cette affaire, les principes de protection susmentionnés doivent toujours être interprétés d’une manière favorable au respect du droit en question. Dans ce sens, l’article 9 de la convention précitée n’exclut pas les membres des corps armés de l’État du droit de liberté syndicale et de la protection du droit de se syndiquer. Il transfère uniquement à la législation nationale le soin de déterminer (vis-à-vis de ces derniers) le champ d’application de ladite convention, champ d’application fixé par le Code du travail à l’article 534. Il ne fait pas de doute que la supervision des entreprises de sécurité privée s’effectue sous le contrôle de la Police nationale. Cela ne transforme toutefois pas les travailleurs de ces entreprises en policiers ni ne permet de considérer qu’ils sont implicitement couverts par la disposition du Code du travail précitée. D’ailleurs, même s’ils l’étaient, le droit d’association étant un droit fondamental d’où émane la liberté syndicale, si le droit interne en limitait l’exercice “pour quelque raison que ce soit”, (…) il serait obligatoire d’appliquer directement les dispositions régulant de manière plus favorable la protection de ce droit. »

La Cour d’appel décida ainsi qu’il résultait de la convention n° 87 de l’OIT que les salariés des entreprises de sécurité privée ne pouvaient être exclus du champ d’application de la liberté syndicale et que la protection renforcée contre le licenciement dont bénéficiaient les membres de la direction provisoire d’un syndicat ne disposant pas encore de la personnalité juridique constituait une forme de protection conforme aux conventions de l’OIT. La juridiction de seconde instance confirma donc le caractère injustifié des licenciements et augmenta, tel que demandé par les requérants, le montant des indemnités à verser par l’employeur.


2 Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme, 1948.

Texte intégral de la décision