en
fr
es

Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie, Sur la constitutionnalité des clauses 2 et 3 de l’article 11(1) de la Loi de la Fédération de Russie de juin 1993 «Sur les organes de police pour les impôts fédérales», 17 décembre 1996

Constitution de la République Fédérale de Russie

Article 15, paragraphe 4

Les principes et normes universellement reconnus du droit international et les traités internationaux de la Fédération de Russie sont partie intégrante de son système juridique. Si d’autres règles que celles prévues par la loi sont établies par un traité international de la Fédération de Russie, les règles du traité international prévalent.

Article 17, paragraphe 1

Dans la Fédération de Russie les droits et libertés de l’homme et du citoyen sont reconnus et garantis conformément aux principes et normes universellement reconnus du droit international et en conformité avec la présente Constitution.

Pays:
Russie, Fédération de
Sujet:
Type d’utilisation du droit international:
Référence au droit international pour renforcer une solution fondée sur le droit national
Type d’instruments utilisés:

traité ratifié;1 instrument non soumis à ratification2

Procédure administrative du recouvrement de l’impôt des personnes morales/ Saisine de la Cour constitutionnelle pour faire déclarer la loi contraire à la Constitution nationale/ Référence au droit national pour renforcer l’interprétation des dispositions de la Constitution

Conformément à la loi3, les organes de la police fiscale avaient la possibilité de procéder directement au recouvrement d’arriérés d’impôts des personnes morales tandis que pour les personnes physiques, cette procédure ne pouvait être mise en œuvre que par voie judiciaire. Des fondateurs d’un groupe de personnes morales saisirent la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie. Selon les demandeurs, le caractère administratif et non judiciaire de la procédure contrevenait à leur droit constitutionnel de propriété reconnu par l’article 35 de la Constitution de Russie4.

La Cour constitutionnelle devait se prononcer sur la portée de ce droit et sur la possibilité de le restreindre.

Pour répondre à cette question, la Cour s’est non seulement appuyée sur les articles pertinents de la Constitution nationale mais également sur la Déclaration universelle des droits de l’homme et sur le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels:

«En même temps, le droit de propriété privée n’est pas absolu et ne fait pas partie des droits qui, selon l’article 56 3) de la Constitution de la Fédération de Russie, ne peuvent faire l’objet de limitations en aucune circonstance. Par conséquent, (…) l’article 35 peut faire l’objet de restrictions par la loi fédérale mais seulement dans les limites de ce qui est nécessaire pour protéger les bases du système constitutionnels, la moralité, la santé, et les droits et intérêts légitimes des autres personnes et afin de défendre le pays et d’assurer la sécurité de l’État. Ceci est en accord avec les principes et règles généralement acceptés de droit international, particulièrement avec la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen du 10 décembre 1948 selon laquelle l’individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible (article 29 1)); dans l’exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n’est soumis qu’aux limitations établies par la loi, exclusivement en vue d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique (article 29 2). Une disposition similaire sur la possibilité de limiter les droits de l’homme et du citoyen est également stipulée par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 19 décembre 1966 (article 4).»5

Renforcée dans son raisonnement par les dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie a estimé que même si la procédure pour le recouvrement des créances était administrative, les personnes morales pouvaient la contester au moyen de l’action judiciaire prévue à l’article 46 de la Constitution nationale et que, par conséquent, leurs droit constitutionnel à la protection de la propriété privée n’était pas violé.


1 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966.

2 Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948.

3 Loi de la Fédération de Russie du 24 juin 1993 sur les organes de police fiscale.

4 Article 35 de la Constitution de la Fédération de Russie:

«1. Le droit de propriété privée est protégé par la loi.

2. Chacun a le droit d’avoir un bien en propriété, de le posséder, d’en jouir et d’en disposer tant individuellement que conjointement avec d'autres personnes.

3. Nul ne peut être privé de ses biens autrement que par décision du tribunal. L’aliénation forcée d’un bien pour cause d'utilité publique ne peut être effectuée que sous condition d’une indemnisation préalable et équitable. (…)»

5 Article 4 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels: «Les États parties au présent Pacte reconnaissent que, dans la jouissance des droits assurés par l’État conformément au présent Pacte, l’État ne peut soumettre ces droits qu'aux limitations établies par la loi, dans la seule mesure compatible avec la nature de ces droits et exclusivement en vue de favoriser le bien-être général dans une société démocratique.»

Texte intégral de la décision