Cour constitutionnelle de Croatie, 8 novembre 2000, n° U-I 745-1999
Constitution de la République de Croatie
Article 140
Les accords internationaux conclus et ratifiés en conformité avec la Constitution, publiés et entrés en vigueur, font partie de l’ordre juridique interne de la République de Croatie. Ils ont une valeur juridique supérieur à la loi.
Croatie
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Traité ratifié;1 jurisprudence internationale2
Expropriation/ Compétence de la Cour constitutionnelle pour contrôler la compatibilité d’une loi à un traité/ Application directe du droit international pour écarter une disposition nationale de rang inférieur
Un citoyen estimait que la loi sur l’expropriation3 était contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à ses protocoles. Il soutenait que la non soumission de la procédure d’expropriation à un contrôle judiciaire violait l’article 64 de la convention ainsi que ses protocoles 1, 4, 6,7 et 11. Il saisit la Cour constitutionnelle afin qu’elle déclare la loi incriminée contraire aux dispositions de la convention.
La Constitution nationale étant muette sur la compétence de la Cour constitutionnelle pour juger de la conformité d’une loi à un instrument international, la juridiction devait dans un premier temps répondre à cette question. Pour fonder sa compétence, la juridiction a estimé que la Constitution lui confiait la tâche de veiller au respect de la hiérarchie des normes. La Cour a ainsi estimé:
«Si la décision de la Cour constitutionnelle sur la conformité d’une loi à la Constitution et sur la conformité d’une autre règle de droit à la Constitution constitue en fait une décision relative à la conformité d’une règle de rang inférieur vis-à-vis d’une autre de rang supérieur, il en découle que la compétence de la Cour constitutionnelle d’examiner la conformité d’une loi à un traité international est une conséquence logique de la disposition constitutionnelle selon laquelle un traité international ratifié et publié fait partie de l’ordre juridique interne et a une valeur juridique supérieure à la loi.»5
La Cour constitutionnelle de Croatie a alors examiné les articles de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme6. Cette dernière instance avait estimé que les juridictions chargées de résoudre un conflit portant sur un droit ou une obligation civile devaient procéder à une appréciation des faits de manière indépendante et que la procédure devait être orale et contradictoire. La Cour a considéré que la procédure administrative prévue par la loi relative à l’expropriation ne remplissait pas ces conditions.
La Cour constitutionnelle de Croatie a jugé la loi contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et, par conséquent, à la Constitution nationale.
1 Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 1950.
2 Cour européenne des droits de l’homme.
3 Loi sur l’expropriation, gazette officielle de la République de Croatie n° 9/94 et 35/94.
4 Article 6 1) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales: «Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des stances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.»
5 L’article 140 de la Constitution de Croatie prévoit que les traités internationaux signés et ratifiés ont un rang supérieur aux lois.
6 Affaire Le compte, Van Leuven et De meyere c. Belgique, 18 octobre 1982 A54; Affaire Ettl et autres c. Autriche, 23 avril 1987 A117.