en
fr
es

Cour constitutionnelle de Croatie, 10 janvier 2001, n° U-III 727-1997

Constitution de la République de Croatie

Article 140

Les accords internationaux conclus et ratifiés en conformité avec la Constitution, publiés et entrés en vigueur, font partie de l’ordre juridique interne de la République de Croatie. Ils ont une valeur juridique supérieur à la loi.

Pays:
Croatie
Sujet:
Licenciement
Type d’utilisation du droit international:
Référence au droit international pour renforcer une solution fondée sur le droit national
Type d’instruments utilisés:

traités ratifiés1

Licenciement/ Saisine de la Cour constitutionnelle pour violation de la liberté d’expression/ Application directe du droit international

Un chauffeur du Ministère de l’intérieur croate avait été licencié par son administration pour insuffisance professionnelle. Après une série de décisions judiciaires, le plaignant saisit la Cour constitutionnelle de Croatie. Il soutenait qu’il avait été mis fin à son contrat de travail pour avoir, dans l’exercice de ses fonctions, exprimé ses opinons personnelles. De plus, il estimait que les tribunaux, n’ayant pas pris en compte les faits essentiels de l’affaire (notamment les motifs réels du licenciement), ne lui avaient pas donné la possibilité d’exercer un recours judiciaire effectif.

Pour fonder son recours, le demandeur a invoqué une violation de la Constitution nationale, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Pour déterminer si la liberté d’expression du demandeur avait été violée, la Cour constitutionnelle de Croatie a analysé les dispositions pertinentes de la Constitution nationale. Elle a constaté une violation du droit à la liberté d’expression consacré non seulement par l’article 38 1) de la Constitution mais également par plusieurs instruments internationaux:

«La Cour constitutionnelle souligne qu’il ne doit être mis fin à aucun contrat de travail en raison des opinions personnelles exprimées par un salarié et que ceci s’applique également au plaignant en qualité d’employé du Ministère de l’intérieur. Le droit à la liberté d’expression est garanti par l’article 38 1) de la Constitution, l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales2 et l’article 19 du Pacte international3 (NDR: le Pacte international relatif aux droits civils et politiques) et ne peut être limité que dans des cas exceptionnels (dans l’intérêt de la sécurité de l’État, de l’unité territoriale, de l’ordre public ou de la paix, pour la défense de l’ordre ou la prévention du crime et autres motifs semblables) qui, dans le cas présent, n’ont pas constitués des motifs de cessation du contrat du plaignant, et n’ont pas été discutés ou jugés devant une juridiction.»

La Cour constitutionnelle a ensuite constaté que les juridictions inférieures n’avaient pas examiné les motifs du licenciement du chauffeur. La Cour a estimé que ceci était contraire aux articles de la Constitution garantissant l’égalité devant la loi, le droit de faire appel et le droit à un procès équitable. Elle a renforcé sa solution en soulignant que ces droits étaient également contenus dans la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques:

«Pour les mêmes raisons qui servent de fondement à la violation des dispositions constitutionnelles précitées, les jugements contestés contreviennent aux dispositions pertinentes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.»

Après avoir constaté une violation des droits garantis par la Constitution nationale, la Cour constitutionnelle de Croatie s’est par deux fois référée aux instruments internationaux pour renforcer sa solution et souligner l’importance des droits fondamentaux violés. Elle a ainsi considéré que la liberté d’expression ne pouvait constituer un motif de licenciement, et que l’absence de recherche des véritables motifs du licenciement violait le droit à un recours judiciaire effectif. Elle a annulé les décisions judiciaires contestées par le plaignant.


1 Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 1950; Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966.

2 Article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales:

«1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.»

3 Article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques:

«1. Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.

2. Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.

3. L’exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires:

a) Au respect des droits ou de la réputation d’autrui;

b) À la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.»

Texte intégral de la décision