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Cour constitutionnelle, 3 septembre 2008, décision C-858/08

Constitution nationale de Colombie

Article 53

(...) Les conventions internationales du travail, dûment ratifiées, font partie de la législation nationale (…).

Article 93, paragraphe 1

Les traités et conventions internationaux, ratifiés par le Congrès, reconnaissant les droits de l’homme et interdisant leur limitation lors des états d’exception, prévalent dans l’ordonnancement juridique interne.

Les droits et devoirs consacrés dans cette Charte s’interprètent conformément aux traités internationaux sur les droits de l’homme ratifiés par la Colombie.

Pays:
Colombie
Sujet:
Droit de grève , Liberté syndicale
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traité ratifié;1 travaux des organes de contrôle internationaux2

Liberté syndicale/ Droit de grève/ Légitimité et droit de grève/ Limites du droit de grève/ Revendications défendues par la grève/ Grève politique/ Interprétation du droit national à la lumière du droit international

Une action publique pour inconstitutionnalité a été entamée à l’encontre des articles 429 et 450 du Code du travail qui conféraient à la grève une finalité économique et professionnelle, et qui établissaient qu’elle serait illégale si elle poursuit d’autres objectifs. Les normes partiellement incriminées du Code du travail violeraient Constitution nationale ainsi que les différents instruments internationaux puisqu’elles empêchent de façon discriminatoire et irraisonnable les travailleurs membres de syndicats, de fédérations et de confédérations de mener des grèves pour des motifs d’autre nature, oubliant que la Constitution ne fait aucune distinction en la matière qui pourrait être pertinente pour adopter cette position.

Pour éclaircir la question juridique de cette affaire, la Cour a fait référence à la portée et à la signification de la garantie constitutionnelle du droit de grève au sein du système juridique colombien. La cour a présenté les conclusions suivantes:

« […] Les constituants ont bien défini les contours de la garantie du droit de grève, notamment son caractère relatif, lorsque son exercice est conditionné au champ d’application des lois qui le régissent; ces dernières devraient, au moment de le développer, tenir compte de son caractère éminemment professionnel, collectif, universel et pacifique, et surtout du fait que son objectif est avant tout de défendre les intérêts économico-professionnels des travailleurs. »3

Par la suite, la Cour a tenté de déterminer quelles étaient les revendications défendues par la grève garanties par les principes établis par le Comité de la liberté syndicale et la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’OIT. La Cour s’est référée aux commentaires du Comité à propos du droit de grève, en le définissant comme un corollaire découlant du droit syndical protégé par la Convention de l’OIT n° 87, en tant que l’un des droits fondamentaux des travailleurs et de leurs organisations, « uniquement dans la mesure où il constitue une façon de promouvoir et de défendre leurs intérêts économiques et sociaux ». Elle a en outre rappelé que:

« […] Le Comité de la liberté syndicale a estimé que « les grèves purement politiques [...] ne tombent pas dans le champ d’application des principes de la liberté syndicale ». Tout en indiquant que « ce n’est que dans la mesure où elles prendront soin de ne pas conférer à leurs revendications professionnelles un caractère nettement politique que les organisations pourront légitimement prétendre à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à leurs activités ». […] Toutefois, selon ce même Comité, les travailleurs et leurs organisations doivent pouvoir manifester le cas échéant leur mécontentement sur des questions économiques et sociales touchant aux intérêts de leurs membres, […] [mais leur] action doit se limiter toutefois à l’expression d’une protestation sans viser à troubler la tranquillité publique.

[…] De la même façon, la Commission a estimé que les organisations chargées de défendre les intérêts socio-économiques et professionnels des travailleurs devraient, en principe, pouvoir utiliser la grève pour appuyer leur position dans la recherche de solutions aux problèmes posés par les grandes orientations de politique économique et sociale qui ont des répercussions immédiates pour leurs membres et, plus généralement, pour les travailleurs, notamment en matière d’emploi, de protection sociale et de niveau de vie. »4

A la lumière des observations de la Commission d’Experts et du Comité de la liberté syndicale de l’OIT, la Cour a conclu que ces articles mis en cause, interprétés de manière stricte, ne violaient pas le texte de la Constitution. Finalement, elle a décidé de déclarer les dispositions constitutionnelles, mais en conditionnant son interprétation au fait que les objectifs de la grève (économiques et professionnels) n’excluent pas la grève liée à l’expression de positions sur des politiques sociales, économiques ou sectorielles qui influent directement sur l’exercice de l’activité, de la profession, de l’occupation ou du poste correspondant.


2 Comité de la liberté syndicale de l’OIT; Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’OIT.

3 Paragraphe 5 de la décision.

4 Paragraphe  4 de la décision.

Texte intégral de la décision