Conseil constitutionnel, 17 juillet 2013, affaire n° 2/C/2013
Sénégal
Liberté syndicale , Droit de grève
Référence au droit international pour renforcer une solution fondée sur le droit national
Traité ratifié;1 travaux des organes de contrôle internationaux2
Participation à une réunion publique en rapport avec des activités syndicale/ Personnel de l’inspection des douanes/ Référence au droit international pour renforcer une décision fondée sur le droit national
Un inspecteur des douanes avait introduit un recours en annulation pour excès de pouvoir contre une décision administrative sanctionnant sa participation à une réunion publique en rapport avec des activités de nature syndicale. A l’appui de sa requête, il avait soulevé l’exception d’inconstitutionnalité de la loi relative au statut du personnel des Douanes qui déniait à ces agents la liberté syndicale et le droit de grève. La chambre administrative de la Cour Suprême, chargée de trancher le litige, avait donc sursis à statuer et avait saisi le Conseil constitutionnel afin que ce dernier se prononçât sur la constitutionnalité de la loi incriminée.
Procédant à l’analyse de l’articles 8 de la Constitution, qui garantit les libertés civiles et politiques, notamment les libertés d’association, de réunion et de manifestation, ainsi que les libertés syndicales, et de l’article 25 de la Constitution, qui consacre le droit de grève, le Conseil constitutionnel souligna néanmoins que ces libertés et droits n’étaient pas absolus et « qu’en disposant qu’ils s’exercent dans le cadre prévu par la loi, le constituant a[vait] entendu affirmer que le droit de grève ainsi que la liberté syndicale [avaient] des limites résultant de la nécessaire conciliation entre la défense des intérêts professionnels dont la grève [était] un moyen et la préservation de l’intérêt général auquel la grève [pouvait] porter atteinte ».3
Le Conseil constitutionnel poursuivit en s’appuyant sur l’article 8, alinéa 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui, selon lui, « se situ[ait] dans cette perspective » en autorisant les restrictions légales à l’exercice du droit de grève s’agissant des membres des forces armées, de la police ou de la fonction publique.4 Pour étayer son raisonnement, il se fonda également sur les travaux du Comité de la liberté syndicale de l'OIT. Plus précisément, le Conseil cita le 336ème rapport du Comité dans lequel ce dernier avait reconnu, à l’égard des fonctionnaires de l’administration et du pouvoir judiciaire, que le droit de recourir à la grève « [pouvait] faire l’objet de restrictions, telles que la suspension ou l’interdiction ».5 Le Conseil se référa également au 304ème rapport du Comité par lequel le Comité avait précisé que « l’interdiction du droit de grève aux travailleurs des douanes, fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, n’[était] pas contraire aux principes de la liberté syndicale ».6
Considérant dès lors que « le personnel des Douanes, corps paramilitaire, assur[ait] une mission de service public qui ne [pouvait] s’accommoder d’interruption volontaire de nature à mettre en péril le fonctionnement de l’Etat [et] que l’intérêt général [était] donc à même de justifier l’interdiction par le législateur du droit de grève et du droit syndical au personnel des douanes », le Conseil constitutionnel décida que la loi mise en cause par le requérant n’était pas contraire à la Constitution.7
Dans cet arrêt, le Conseil constitutionnel affirme donc que ni la liberté syndicale ni le droit de grève n’ont une portée absolue, sur la base des dispositions de la Constitution dont il renforce la justification par une référence au Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ainsi qu’aux travaux du Comité de la liberté syndicale de l’OIT.