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Commission centrale d’arbitrage (CCA),The Pharmacists’ Defence Association Union (PDAU) c. Boots Management Services Limited, 29 janvier 2013, affaire n° TUR1/823/ 2012

Pays:
Royaume-Uni
Sujet:
Liberté syndicale , Négociation collective
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traités ratifiés1 

Liberté syndicale/ Syndicat/ Négociation collective/Interprétation du droit national à la lumière du droit international

Le Pharmacists’ Defence Association Union (PDAU) (Syndicat des pharmaciens) a soumis une requête à la Commission centrale d’arbitrage (CCA) afin d’être reconnu comme syndicat par l’entreprise défenderesse dans le but d’exercer le droit à la négociation collective. Selon les arguments du syndicat, l’entreprise a refusé, à plusieurs reprises, de reconnaître le syndicat, affirmant qu’il existait une autre association (Boots Pharmacists’ Association, BPA) avec laquelle l’entreprise avait signé une convention collective. Selon le PDAU, la convention conclue entre la BPA et l’employeur ne pouvait pas être considérée comme une convention collective puisqu’elle se limitait aux questions liées aux mécanismes de consultation et aux installations pour les responsables syndicaux et excluait des négociations les aspects concernant le salaire, les heures de travail, les congés et les conditions d’emploi et de travail. Le syndicat a jugé que ces restrictions au pouvoir de négociation de la BPApermettaientégalement de conclure que l’association n’était pas, en réalité, un syndicat.

Pour trancher l’affaire, la CCA s’est référée au paragraphe 35 de la loi (de consolidation) de 1992 sur les syndicats et les relations du travail (TURLA) qui empêche la recevabilité d’une demande faite à la Commission si i) un syndicat est parvenu à ii) une convention collective entre lui et l’employeur concerné.

La Commission a conclu quela BPArespectait, en réalité, les conditions pour être reconnue comme syndicat en vertu de la TURLA. La Commission a également conclu que l’accord entre laBPAet l’entreprise prenait la forme d’une convention collective puisqu’elle réglementait au moins une des questions désignées dans la TURLA. Toutefois, elle a aussi souligné que:

« Les négociations sur les questions concernant les syndicalistes comme les questions liées au salaire, aux heures de travail, aux congés et aux conditions de travail et d’emploi sont au centre de la négociation collective, décrite dans la convention n° 154 de l’OIT […].»2 

En examinant le paragraphe 35 de la loi, la Cour a jugé qu’il était « indéniable » que cela devait être interprété de manière à donner effet à l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme » étant donné que la négociation collective de l’affaire Demir « était, en principe, devenuel’un des éléments essentiels » du droit protégé par l’article 11.3

Par conséquent, elle s’est dite d’accord avec les observations du PDAU selon lesquelles:

« Le droit à la négociation collective sur les installations pour les responsables syndicaux et les mécanismes de consultation … n’équivaut pas, à première vue, à la négociation collective au sens des sources et de la jurisprudence de la CEDH, de l’OIT et de l’Union européenne puisqu’il exclut explicitement la négociation sur les questions liées aux conditions de travail et d’emploi, aux heures de travail, au salaire et aux congés.»4

Par conséquent, la Commission a conclu qu’empêcher un syndicat indépendant de prétendre à la reconnaissance dans le cas où aucun autre syndicat n’avait le droit de négociation collective pour au moins les questions de salaire, d’heures de travail et de congés, constituait une violation de l’article 11. En outre, elle a ajouté que:

« Selon notre point de vue, l’employeur n’est pas habilité à choisir deux éléments dans la large définition de la négociation collective présentée dans la loi qui, en soi, n’équivalent pas à la négociation collective ni dans le contexte des relations professionnelles au Royaume-Uni ni dans nos obligations internationales dans le but de bloquer la demande du syndicat. Nous n’oublions particulièrement pas que les dispositions devraient être interprétées seulement lorsqu’il s’agit d’un syndicat non indépendant compte tenu du risque d’ingérence et de domination exprimé à l’article 98 (2) de la convention n° 98 de l’OIT sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. »5

C’est pourquoi, selon la CCA, une interprétation littérale du paragraphe 35 de la loi porte atteinte aux droits des syndicats en vertu de l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le droit de négocier sur les deux questions susmentionnées ne peut pas refléter l’étendue de l’article 11 ou s’avérer suffisant pour empêcher l’exercice de ce droit en ce qui concerne les intérêts au sens large des travailleurs.

Ainsi, se référant aux conventions de l’OIT afin d’interpréter les législations nationale et européenne, la Commission a décidé que la requête soumise par le syndicat PDAU était recevable et elle a, par conséquent, ordonné aux autorités en charge de l’enregistrement de nouveaux syndicats de vérifier si le syndicat respectait les autres exigences de la loi afin qu’il soit reconnu.



3 Paragraphe 64 de la décision. Voir Cour européenne des droits de l'homme, Grande Chambre, Demir et Baykara c. Turquie, 12 novembre 2008, Requête n° 34503/97 dans le Recueil des décisions de justice.

4 Paragraphe 67 de la décision.

5 Paragraphe 76 de la décision.

Texte intégral de la décision