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Arrêt de la cour d’appel de Tbilissi, G. Z. et K. G. c. chemins de fer géorgiens, 17 novembre 2014, affaire n° 2b/3964-14

Pays:
Géorgie
Sujet:
Licenciement
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traité non ratifié1; instrument non soumis à ratification2; travaux des organes de contrôle internationaux3 

Licenciement motivé par une faute du travailleur/ Interprétation du droit national à la lumière du droit international 

G. Z. occupait le poste de conducteur de train et K. G. était son assistant. L’employeur a résilié les contrats de travail des demandeurs pour motif de faute des travailleurs. L’employeur a affirmé que, le 27 mars 2012, au cours d’une opération mécanique à grande vitesse du train, les demandeurs n’avaient pas actionné un frein et que le train a dû s’arrêter à la gare seulement après que le personnel de la gare eut spécialement averti les travailleurs. Le tribunal de la ville de Tbilissi et la Cour d’appel de Tbilissi ont rejeté la demande de G. Z. et K. G. de réintégration et de dédommagement pour perte de revenus. Dans leurs arrêts respectifs, les deux tribunaux ont estimé que, conformément à la description de poste des demandeurs, G. Z. et K. G. étaient chargés et responsables de conduire le train, ainsi que du fonctionnement mécanique, de la vitesse et de toutes les manœuvres du train. Sur la base des éléments de preuve disponibles, la Cour d’appel de Tbilissi a déterminé que, en dépit de leur obligation, et comme l’ont reconnu les demandeurs eux-mêmes, les travailleurs n’ont pas prêté attention et n’ont pas réagi correctement lorsque le train est passé sur certains morceaux de bois se trouvant sur les voies ferrées; le système de freinage est tombé en panne lorsque le train est passé sur les morceaux de bois et les deux demandeurs n’ont pas utilisé le frein à main, supposant à tort qu’il serait actionné par l’instructeur du conducteur de train. 

La Cour d’appel de Tbilissi a interprété l’article 37, paragraphe g, du Code du travail, qui prévoit qu’un contrat de travail peut être résilié sur la base de la violation des obligations professionnelles, à la lumière de la convention (n° 158) de l’OIT sur le licenciement, 1982. La Cour a expliqué que, selon l’article 4 de la convention, les motifs valables de licenciement doivent être liés à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondés sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service. Elle a ajouté que lors de l’examen de l’admissibilité des motifs valables de licenciement, il faut prêter une attention particulière aux commentaires de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’OIT. Bien que non contraignants, ces commentaires interprètent le texte de la convention et son champ d’application et peuvent être considérés comme une source d’inspiration pour les législateurs et les tribunaux. Dans le rapport général de 1995 de la Commission d’experts4, le concept de «faute» entre dans deux catégories: 1) la première a trait à la mauvaise exécution des tâches pour l'accomplissement desquelles le travailleur a été engagé (conduite professionnelle inadéquate); 2) la seconde englobe diverses formes de comportement répréhensible. La première catégorie peut comprendre des fautes telles que la négligence dans le travail, la violation du règlement d'entreprise, la désobéissance aux ordres légitimes, l'absence ou l'arrivée tardive non motivées. Les situations énumérées ci-dessus peuvent constituer des motifs légitimes de licenciement. En conséquence, la Cour d’appel devait décider si la conduite des demandeurs constituait une faute suffisamment grave et, partant, un motif valable de licenciement. La Cour a conclu que l’action des plaignants d’une part (passer sur les morceaux de bois se trouvant sur les voies ferrées) et leur inaction de l’autre (ne pas utiliser le frein à main) avaient mis en danger la vie des passagers. Partant, le conducteur de train et son assistant avaient violé leurs obligations professionnelles à un niveau constituant un motif raisonnable et légitime de licenciement, sur la base de la législation nationale, telle qu’interprétée à la lumière de l’article 4 de la convention n° 158 de l’OIT et des déclarations de la Commission d’experts de l’OIT.


3 Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’OIT.

4 BIT (1995): Protection contre le licenciement injustifié. Étude d’ensemble de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, Rapport III (Partie 4B), Conférence internationale du Travail, 82e session, Genève.

Texte intégral de la décision