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Tribunal industriel du Botswana, Joel Sebonego c. News Paper Editorial and Management Services ltd, 23 avril 1999, n° IC 64/98

Pays:
Botswana
Sujet:
Licenciement
Type d’utilisation du droit international:
Création par le juge d’un principe inspiré du droit international
Type d’instruments utilisés:

traité non ratifié;1 législation comparée;2 jurisprudence étrangère3

Licenciement pour cause de maladie/ Lacune dans la législation nationale/ Création d’un principe de droit inspiré de la convention n° 158 de l’OIT et de la législation sud-africaine/ Référence au droit international pour renforcer une solution fondée sur le droit interne

Le directeur éditorial de deux journaux avait été malade plusieurs fois de suite et n’avait jamais avisé son employeur des causes exactes de son absence. Après un certain laps de temps, le directeur du journal décida de licencier le salarié pour «absence continue pour cause de maladie». Ce licenciement était par ailleurs advenu sans préavis. L’ancien directeur estimait que son licenciement était illégal et injuste.

La Cour industrielle a constaté que la législation du Botswana ne contenait aucune disposition sur le licenciement pour raisons médicales. Elle a alors estimé qu’elle devait s’inspirer d’autres sources, dont le droit international, pour déterminer les principes directeurs applicables au litige:

«La Cour doit donc regarder ailleurs pour trouver des orientations sur ce sujet. Parce que le licenciement pour raisons de santé est très étroitement lié aux licenciements pour cause d’impossibilité de travailler, la Cour va maintenant indiquer les principes internationaux d’équité relatifs au licenciement pour impossibilité de travailler.»

La Cour a ensuite fondé sa compétence pour prendre en compte les conventions internationales du travail:

«Puisque le tribunal du travail ne juge pas seulement en droit mais aussi en équité, il applique les règles de justice naturelle, ou les règles d’équité comme elles sont parfois appelées quand il s’agit de juger en matière de conflits du travail. Ces règles d’équité dérivent de la common law aussi bien que des conventions et des recommandations de l’Organisation internationale du Travail. Les exigences fondamentales d’un licenciement substantivement équitable, incluant le licenciement pour cause d’incapacité due à la maladie, sont brièvement exposées dans l’article 4 de la convention n° 158 de 1982, qui prévoit ce qui suit:

«Un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service.»

La raison pour laquelle on peut dire que la convention n° 158 de l’OIT est également applicable aux causes d’incapacité dues à la maladie est le mot souligné plus haut: aptitude, qui dans ledit contexte concerne également l’inaptitude.»

En se fondant sur la convention n° 158 (article 44 et 65), sur la jurisprudence anglaise et la législation de l’Afrique du Sud, la Cour industrielle du Botswana a posé les principes de droit applicables au licenciement pour raisons de santé. Elle les a ainsi résumés:

«Pour résumer ces principes, il doit tout d’abord exister une raison médicale valable justifiant l’incapacité de travailler du salarié. La maladie doit être telle que celui-ci ne peut plus, à cause de ladite maladie, exercer le travail pour lequel il a été employé. L’absence temporaire du travail en raison d’une maladie n’est pas en soi une raison valable de licenciement. L’employeur doit d’abord déterminer de quelle maladie il s’agit, puis la gravité de cette maladie, et ensuite il doit faire un pronostic. Ceci doit être fait en consultation avec l’employé, et si possible également avec un médecin. Par la suite, si l’employeur est convaincu que l’employé n’est pas capable d’exercer le travail pour lequel il a été engagé et qu’il n’y a pas de travail alternatif possible, l’employeur aura le droit de licencier l’employé pour incapacité de remplir ses obligations. Le licenciement sera donc fondé sur une raison valable.»

On peut noter qu’à propos de l’absence temporaire du travail pour raisons de santé, la Cour s’est grandement inspirée de l’article 6 de la convention n° 158 de l’OIT qui énonce «L’absence temporaire du travail en raison d’une maladie ou d’un accident ne devra pas constituer une raison valable de licenciement.» Les autres conditions de validité du licenciement émanent de la jurisprudence sud-africaine, insérées par la suite dans le Code du travail d’Afrique du Sud.

Quant au préavis, elle a estimé que les articles du Code du travail du Botswana concernant le préavis en cas de licenciement pour faute grave ne pouvaient s’appliquer au licenciement pour cause de maladie. Selon la Cour, un employé malade n’était pas coupable de faute grave. Elle s’est référée à une de ses précédentes décisions dans laquelle elle avait jugé qu’un employeur devait disposer d’un motif valable pour ne pas donner de préavis de licenciement. La juridiction a appuyé son argumentation en se référant à la convention n° 158 de l’OIT:

«On peut trouver un appui à cette conclusion concernant le motif valable dans l’article 4 précité de la convention 158 de l’OIT. Un appui à la conclusion concernant le préavis peut être trouvé dans l’article 11 de la convention 158 de l’OIT (...).»6

Sur le fondement de la convention n° 158 de l’OIT, la Cour industrielle du Botswana a posé les principes applicables au licenciement pour cause de maladie vis-à-vis de la justification du licenciement d’une part et du droit au préavis du travailleur d’autre part. En l’espèce, la Cour a considéré que si la rupture du contrat de travail était justifiée sur le fond, le refus d’accorder le préavis au travailleur était en revanche illicite. L’employeur a dû verser des indemnités au salarié.


1 Convention (n° 158) de l’OIT sur le licenciement, 1982.

2 Afrique du Sud.

3 Angleterre.

4 Article 4 de la convention n° 158: «Un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l'établissement ou du service.»

5 Article 6 de la convention n° 158: «1. L’absence temporaire du travail en raison d’une maladie ou d’un accident ne devra pas constituer une raison valable de licenciement.

2. La définition de ce qui constitue l’absence temporaire du travail, la mesure dans laquelle un certificat médical sera requis et les limitations possibles dans l’application du paragraphe 1 du présent article seront déterminées conformément aux méthodes d’application mentionnées à l’article 1 de la présente convention.»

6 Article 11 de la convention n° 158: «Un travailleur qui va faire l’objet d’une mesure de licenciement aura droit à un préavis d’une durée raisonnable ou à une indemnité en tenant lieu, à moins qu’il ne se soit rendu coupable d’une faute grave, c’est-à-dire une faute de nature telle que l’on ne peut raisonnablement exiger de l’employeur qu’il continue à occuper ce travailleur pendant la période du préavis.»

Texte intégral de la décision