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Tribunal du travail, Veronica Muthio Kioka c. Catholic University of Eastern Africa, 8 novembre 2013, affaire n° 1161 de 2010

Constitution du Kenya (2010)

Article 2

(5) Les règles générales de droit international font partie du droit national du Kenya.

(6) Tout traité ou convention ratifié par le Kenya fait partie du droit national du Kenya en vertu de la présente Constitution.

Pays:
Kenya
Sujet:
Protection contre la discrimination dans l’emploi et la profession
Type d’utilisation du droit international:
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traités ratifiés;1 instrument non soumis à ratification2

Discrimination/ VIH et sida/ Maternité/ Égalité de rémunération/ Référence au droit international pour renforcer une solution fondée sur le droit national 

La plaignante a travaillé en tant que téléphoniste pour la partie défenderesse de mars 2000 à mars 2010. Durant cette période, la plaignante a eu différents contrats temporaires. Parmi les employés qui travaillaient comme téléphonistes, la plaignante était l’unique femme. La requérante a indiqué que, pendant la période durant laquelle elle travaillait pour la partie défenderesse, elle a été victime de discrimination parce qu’elle était une femme: ses collègues masculins étaient payés quatre fois plus qu’elle et bénéficiaient d’une indemnité de logement et de transport ainsi que d’une assurance médicale alors qu’elle recevait un salaire inférieur et ne bénéficiait d’aucun avantage supplémentaire.

Le 15 mars 2003, la plaignante a postulé pour un emploi permanent en tant que téléphoniste/réceptionniste et a été sélectionnée. Lors de l’examen médical préalable à son intégration au nouveau poste de travail, la plaignante a passé un test de dépistage du VIH sans en être informée auparavant. Les résultats du test se sont révélés positifs. Après l’examen médical, la requérante n’a plus reçu aucune information concernant le poste pour lequel elle avait postulé et a continué à exercer son ancien emploi. En 2006, la plaignante a exprimé son mécontentement par écrit vis-à-vis de son salaire. La partie défenderesse a répondu sept mois plus tard, lui octroyant une augmentation de salaire, mais lui refusant les autres indemnités. En 2008, la plaignante est tombée enceinte et a pris trois mois de congé de maternité, qui n’ont pas été payés par l’université. En mars 2010, au moment de l’expiration de son dernier contrat, celui-ci n’a pas été renouvelé. Compte tenu de ce qui précède, la plaignante a demandé que son licenciement soit déclaré illégal et a demandé à obtenir une compensation pour le traitement discriminatoire dont elle avait été victime.

Afin de résoudre le litige, le Tribunal du travail du Kenya s’est référé à la loi sur l’emploi du Kenya de 2007 qui promeut l’égalité des chances et l’élimination de la discrimination sur le lieu de travail fondée sur le genre ou le VIH. Le Tribunal a également indiqué que l’article 28 de la Constitution stipule que toutes les personnes ont le droit à la protection de leur dignité. Dans le domaine de l’emploi, cette protection implique l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes. La Cour a également rappelé que le Kenya était devenu un Etat moniste conformément à l'art. 2 de la Constitution de 2010 et, par conséquent, il "doit se référer à la loi internationale pertinente à cette question".3 

Par conséquent, il fait référence aux définitions de la rémunération et de l'égalité de rémunération établies dans l'art. 1 de la convention n ° 100 de l'OIT. Sur cette base, il a conclu que la plaignante avait été traitée différemment de ses collègues masculins faisant le même travail. La Cour a également fait référence à la définition de la discrimination contenue dans l'art. 1 de la Convention n° 111. Enfin, elle a considéré le para. 3(c) de la Recommandation n ° 200 de l’OIT, qui établit que " aucune discrimination ni stigmatisation ne devrait s'exercer à l'encontre des travailleurs, notamment des personnes à la recherche d'un emploi et des demandeurs d'emploi, en raison de leur statut VIH réel ou supposé [...]."4

Ainsi, se référant à la législation nationale, aux Conventions nos 100 et 111 et à la Recommandation n° 200 de l’OIT, le Tribunal a conclu que la plaignante avait été victime de discrimination fondée sur le genre et le VIH. En outre, il a constaté que "son statut de grossesse a accéléré la discrimination qui a conduit à son licenciement”.5 Le Tribunal a donc condamné la partie défenderesse à payer la différence de salaire entre la plaignante et ses collègues masculins jusqu’à l’ajustement de son salaire. Le Tribunal a également ordonné à la partie défenderesse de lui payer les mois de congé de maternité, les heures supplémentaires non reconnues et une indemnité équivalente à 12 mois de salaire pour licenciement abusif ainsi qu’une autre compensation pour cause de traitement discriminatoire fondé sur la séropositivité de la plaignante.

Texte intégral de la décision