Tribunal du travail du Kenya, Phelesia Olukunga c. The Board of Trustees Association for Better Land Husbandry et Rodney Jim Keneally, 28 février 2014, affaire n° 927
Constitution du Kenya (2010)
Article 2
(5) Les règles générales de droit international font partie du droit national du Kenya.
(6) Tout traité ou convention ratifié par le Kenya fait partie du droit national du Kenya en vertu de la présente Constitution.
Kenya
Harcèlement sexuel , Protection contre la discrimination dans l’emploi et la profession
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Traité ratifié;1 instrument non soumis à ratification;2 travaux des organes de contrôle internationaux3
Harcèlement sexuel/ Violence sexiste/ Discrimination fondée sur le genre/ Interprétation du droit national à la lumière du droit international
La plaignante a été engagée par le Board of Trustees of the Association for Better Land Husbandry (Conseil d’administration de l’Association pour de meilleures pratiques agricoles), et son patron direct était M. Rodney Jim Keneally. La partie plaignante s’est rendue à une conférence régionale au Swaziland en compagnie de son patron après une escale au Cap. Dans cette ville, Keneally a commencé à faire des avances sexuelles à Olukunga. Lorsqu’elle a ignoré ces avances, il s’est énervé et l’a frappée. La plaignante est retournée à Nairobi et Keneally s’est rendu seul à la conférence. À son retour à Nairobi, Keneally a envoyé plusieurs courriers électroniques menaçants à la plaignante et l’a, ensuite, licenciée pour cause de mauvaise conduite en Afrique du Sud.
Dans sa défense, Keneally a affirmé qu’il n’avait pas engagé la plaignante et que le Tribunal du travail n’était pas compétent dans cette affaire puisque les évènements avaient eu lieu en Afrique du Sud. De plus, Keneally a déclaré que les délits sexuels étaient des affaires personnelles, n’avaient absolument rien à voir avec le travail et devraient, par conséquent, être entendus par un tribunal pénal.
Le Tribunal du travail a jugé que la loi sur l’emploi de 2007 et la loi sur les institutions du travail conféraient au Tribunal le pouvoir de connaître de l’affaire puisqu’il s’agissait d’une affaire liée à l’emploi étant donné que la plaignante avait été engagée pour travailler au Kenya et licenciée dans ce même pays. Le Tribunal a également trouvé une preuve de l’existence d’une relation de travail entre Keneally et la plaignante sous forme d’un contrat signé par Keneally au nom de l’association défenderesse. En outre, la plaignante faisait le point avec Keneally sur son travail et celui-ci était également responsable de l’octroi de ses congés lorsqu’elle était malade.
Après avoir lu des courriers électroniques que Keneally avait envoyés à Olukunga, le Tribunal a conclu que la plaignante avait été congédiée à titre de punition pour ne pas avoir répondu aux avances sexuelles de Keneally. Le Tribunal a jugé que les évènements qui s’étaient déroulés en Afrique du Sud étaient un épisode d’une affaire de violence sexiste et d’harcèlement sexuel permanents sur le lieu de travail tel que défini à la section 6 de la loi sur l’emploi de 2007.
Le Tribunal s’est ensuite référé à la définition de la violence faite aux femmes consacrée à l’article 1 de la Déclaration des Nations unies sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Il s’est référé aussi à la convention n° 111 de l’OIT et aux travaux de la Commission d’experts de l’OIT pour l’application des conventions et recommandations déclarant que:
« Davantage de précisions sur ce qu’est exactement la violence fondée sur le genre sont apportées dans l’étude d’ensemble de la commission d’experts de l’OIT de 1998 réalisée sur l’application de la convention n° 111 de l’OIT (convention concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession). La commission d’experts a dressé une liste reprenant des exemples d’harcèlement sexuel qui peut apporter un complément à la section 6 de la loi sur l’emploi de 2007.»4
Après s’être référé à la définition de la discrimination établie à l’article 1 de la convention n° 111 de l’OIT, le Tribunal a déclaré que l’importance de cette convention dans les politiques de l’emploi et la législation du travail au Kenya était soulignée par son inscription dans la législation nationale au paragraphe D de la loi sur les relations professionnelles de 1984. Bien que la plaignante n’ait pas déclaré qu’elle avait fait l’objet de discrimination, de l’avis du Tribunal, il était clair qu’elle avait été victime de discrimination fondée sur le genre, à la lumière de la convention susmentionnée.
En conclusion, le Tribunal, se rapportant aux instruments internationaux et aux travaux de la Commission d’experts de l’OIT pour interpréter la loi sur l’emploi, a ordonné au défendeur d’indemniser la plaignante pour le licenciement injuste et illégal et le harcèlement sexuel dont elle avait été victime.