Tribunal du travail de Lomé, Dame Sanvée Karine c. La Brasserie du Bénin, 23 mars 2004, n° 039/2004
Constitution du Togo
Article 140
Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie.
Togo
Protection contre la discrimination dans l’emploi et la profession
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Traités ratifiés1
Assurance maladie complémentaire contractée par l’employeur au profit de ses salariés/ Taux de couverture/ Discrimination entre travailleurs nationaux et étrangers/ Définition de rémunération/ Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
La demanderesse était une salariée à la retraite, au profit de laquelle l’employeur avait souscrit une police d’assurance maladie complémentaire lors de son entrée dans l’entreprise, comme il était d’usage dans l’entreprise. Cette police, qui devait continuer de bénéficier à la salariée même après son départ à la retraite, prévoyait notamment le remboursement à 100 pour cent des dépenses de santé. L’ancienne salariée avait demandé le remboursement de dépenses occasionnées à la suite d’une maladie et s’était vu opposer un taux de remboursement fixé à 80 pour cent pour les retraités de l’entreprise. Elle avait donc saisi la justice pour contester l’abaissement du taux de couverture qui ne ressortait pas des stipulations de la police d’assurance contractée et dont la modification unilatérale par son ancien employeur ne lui avait pas été communiquée.
Le Tribunal du travail de Lomé, saisi de cette requête, fit droit aux demandes de la retraitée. Par ailleurs, le tribunal constata, lors de l’étude des faits, que l’employeur souscrivait deux types d’assurance maladie, l’une prévoyant un taux de remboursement de 100 pour cent pour ses employés expatriés et leur famille et l’autre stipulant un taux de remboursement de 80 pour cent pour les employés nationaux. Relevant que « la mesure qui consiste à octroyer aux expatriés un taux de couverture différent de celui des travailleurs nationaux présente des germes discriminatoires », le tribunal se saisit d’office de cette question.2
Se fondant sur la convention n° 111 de l’OIT, ratifiée par le Togo, le tribunal rappela la définition du terme « discrimination » contenue en son article 1er pour en conclure que « les employés d’une même structure ne sauraient être traités différemment ou moins favorablement en raison de caractéristiques qui n’ont pas de lien avec leur mérite, ni avec les exigences requises pour l’emploi concerné ».3
S’appuyant également sur la définition du terme « rémunération », contenue à l’article 1er de la Convention n° 100, le tribunal estima que la souscription d’une assurance maladie complémentaire au profit des salariés constituait un avantage payé par l’employeur au travailleur en raison de son emploi. Il en conclut dès lors que « la mesure qui consiste à octroyer un taux de couverture différent, selon qu’il s’agisse d’un expatrié ou d’un national, créé de profondes inégalités qui trouvent leurs sources, non dans un critère objectif de différenciation en matière sociale, mais bien dans l’origine des intéressés ».4
Le tribunal déclara donc la mesure abusive et discriminatoire et enjoignit l’employeur à se conformer « aux dispositions légales en vigueur et aux engagements internationaux du Togo en matière sociale, en ne prenant en compte aucune distinction autre que celles fondées sur le mérite ou les exigences des emplois occupés».5
Appliquant directement les conventions n° 111 et 100, le Tribunal du travail de Lomé en déduit le caractère discriminatoire de la mesure visant à accorder un taux de remboursement différent selon la nationalité des travailleurs.
Ce jugement du Tribunal du Lomé fut confirmé en appel par un arrêt de la Cour d’appel de Lomé.6
1 Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958; Convention (n° 100) sur l'égalité de rémunération, 1951.
6 Arrêt du 04 janvier 2007, n° 01/07a, « Brasserie du Bénin contre Dame Karine SANVEE ». Néanmoins, l’appel interjeté ne portant pas sur cette question, relevée d’office par le tribunal en première instance, la cour s’est contentée, dans cet arrêt, de reprendre la teneur du jugement du Tribunal du travail de Lomé.