Tribunal arbitral des Fidji, Fiji Electricity et Allied Workers Union c. Fiji Electricity Authority, 9 mai 2006, [2006] FJAT 62; FJAT Award 24 of 2006
Fidji
Droit de grève
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Traités ratifiés;1 travaux des organes de contrôle internationaux
Considération du paiement d’une prime à certains travailleurs en échange d’un accord « ni grève, ni fermeture patronale »/ Considération du droit de grève dans le droit national et international/ Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Cette affaire découle d’un litige entre le Fiji Electricity and Allied Workers Union et la Fiji Electricity Authority sur le registre des doléances 2004 du syndicat pour la signature d’une convention collective et d’autres questions liées au travail. Les demandes en suspens du syndicat, consignées dans le registre des doléances et sur lesquelles le tribunal arbitral était appelé à statuer, portaient sur les jours fériés, le travail en pauses et une prime de 200 dollars fidjiens.
Seule la considération par le tribunal de la troisième demande fit l’objet d’une référence au droit international. La troisième demande portait sur le fait que l’autorité versait une prime annuelle de 200 dollars fidjiens aux « travailleurs payés à l’heure » effectuant des travaux de nature électrique et affiliés à l’Electrical Trade Union (« ETU »). Ces travailleurs étaient couverts par une convention collective distincte, qui contenait une clause prévoyant le paiement de la prime chaque année en échange de la conclusion d’un accord « ni grève ni fermeture patronale ».
Le Fiji Electricity and Allied Workers Union argua que les travailleurs qu’il représentait effectuaient un travail similaire à ceux affiliés à l’ETU. Il demanda l’inclusion dans la convention collective signée entre les parties une clause prévoyant le paiement de la prime de 200 dollars fidjiens chaque année. La convention collective proposée ne contenait pas de référence à un accord « ni grève ni fermeture patronale ». L’autorité rejeta cette demande.
Dans ce contexte, le tribunal nota que la section 33 de la Constitution des Fidji octroyait aux travailleurs le droit de créer et d’adhérer au syndicat de leur choix et le droit de s’organiser et de négocier collectivement. Il nota également que la liberté syndicale et le droit de négociation collective faisaient l’objet des conventions nos 87 et 98 de l’OIT, que les Fidji avaient ratifiées respectivement en 2002 et 1974.
Le tribunal statua en ces termes:
« Bien que le droit de grève ne soit pas spécifiquement mentionné dans sa Constitution ni reconnu par les conventions nos 87 et 98, les organes de contrôle de l’OIT ont publié quelques lignes directrices sur le sujet. Il est désormais accepté que le droit de grève est un des moyens essentiels à la disposition des travailleurs et de leurs organisations pour la promotion et la protection de leurs intérêts économiques et sociaux. » (Commission d’experts, Observations générales 1983, paragraphes 200 et 205).2
Le tribunal ajouta que, par conséquent, il était accepté que le droit de grève est un droit étendu aux travailleurs en vertu de la section 33 de la Constitution, et que la même section énumérait certaines circonstances dans lesquelles une loi pouvait limiter le droit de grève.3
Le tribunal nota encore:
« Les travailleurs affiliés à l’ETU sont actifs dans la prestation de services dans le secteur de l’électricité. En vertu de la législation, ce secteur est considéré comme un service essentiel, classification acceptée par les normes de l’OIT. Par conséquent, le droit de grève de ces travailleurs est limité par la législation et, plus généralement, les restrictions sont conformes aux normes de l’OIT. Le tribunal ne peut donc recommander un accord contraignant pour un groupe de travailleurs dont le droit de grève est déjà limité, en particulier quand ce droit est abandonné pour à peine 200 dollars par an.
Le tribunal décide donc que la prime de 200 dollars doit également être versée aux travailleurs affiliés au syndicat et dont la convention collective contient une clause démontrant un engagement en faveur d’une approche raisonnable de l’exercice du droit de grève. »4
Le tribunal ordonna le paiement de la prime aux travailleurs affiliés à la Fiji Electricity and Allied Workers Union, avec effet rétroactif à partir de 2003.
L’utilisation des commentaires de la Commission d’experts de l’OIT a aidé le tribunal à définir les droits constitutionnels des travailleurs que sont la liberté syndicale et la négociation collective, comme incluant le droit qualifié de grève.