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Cour suprême du Chili, Víctor Améstida Stuardo et autres c. Santa Isabel S.À., 19 octobre 2000, affaire n° 10.695

Constitution nationale de la République du Chili

Article 5, paragraphe 2

L’exercice de la souveraineté reconnaît comme limite le respect des droits fondamentaux inhérents à la nature humaine. Les organes de l’État ont le devoir de respecter et de promouvoir ces droits, consacrés par la présente Constitution, ainsi que par les traités internationaux en vigueur ratifiés par le Chili.

Pays:
Chili
Sujet:
Licenciement , Liberté syndicale
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traités ratifiés1

Liberté syndicale/ Licenciement de travailleurs couverts par le statut protecteur des représentants du personnel/ Acte de discrimination antisyndicale/ Interprétation du droit national à la lumière du droit international

Plusieurs travailleurs, qui avaient été désignés comme délégués syndicaux avant la constitution de leur organisation saisirent la justice pour contester leur licenciement. Le Tribunal de première instance estima que les demandeurs étaient protégés par le statut des représentants syndicaux et considéra leur licenciement comme injustifié. La Cour d’appel révoqua toutefois la décision de premier degré; les travailleurs demandèrent ensuite que la Cour suprême annule la révocation et prenne une nouvelle décision confirmant celle arrêtée en première instance.

Afin de déterminer si le statut protecteur s’appliquait aux travailleurs candidats à la fonction de représentant syndical avant la constitution du syndicat, la Cour analysa le Code du travail et constata que ledit texte contenait des dispositions pouvant s’avérer contradictoires. D’un côté, le Code disposait que le statut protecteur des représentants syndicaux commençait à s'appliquer à partir de l’assemblée constitutive du syndicat. De l’autre, le texte prévoyait que ledit statut protégeait les candidats au poste de représentant syndical dès avant les élections, à condition que les dates de celles-ci soient communiquées par écrit.

Devant une telle situation, la Cour suprême interpréta les dispositions nationales à la lumière des conventions nos 87, 98 et 135 de l’OIT pour déduire qu’en tant que garantie du respect du droit à élire librement ses représentants, le statut protecteur doit, pour produire son plein effet, englober la période immédiatement précédente à la constitution du syndicat parce que, dans le cas contraire, il ne protégerait pas le droit d’organisation en lui-même.

La Cour se prononça donc en ces termes:

«(…) De toute évidence face aux doutes éventuels que pourrait susciter notre droit national, les principes de la législation internationale contenus dans les conventions internationales du travail n° 87, 98 et 135 doivent être pris en considération, en tenant compte en particulier de la disposition de l’article 5 de la Constitution politique de la République.2

Que l’article 3 de la convention n° 87 relative à la liberté syndicale et à la protection du droit syndical se réfère à l’autonomie de ces organisations, dont un des aspects consiste à élire librement leurs représentants. Il semble évident que si, en raison de la constitution d’un syndicat et de l’élection de ses cadres, on licencie les délégués pour une supposée nécessité de l’entreprise non démontrée, notre législation ne s’alignera pas sur la législation internationale.»

De même, la Cour fit référence aux articles 1 1) et 1 2) a) de la convention n° 98 de l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective3 et à l’article premier de la convention n° 135 de l’OIT relative aux représentants des travailleurs4.

La Cour suprême du Chili déclara alors le licenciement nul pour cause de discrimination antisyndicale, interprétant le Code du travail à la lumière des conventions nos 87, 98 et 135 de l’OIT, signalant que, pour produire son plein effet, le statut protecteur des représentants syndicaux doit englober la période immédiatement précédente à la constitution du syndicat.


2 Article 5 de la Constitution du Chili: «Les organes de l’État ont le devoir de respecter et de promouvoir ces droits, consacrés par la présente Constitution, ainsi que par les traités internationaux en vigueur ratifiés par le Chili.»

3 Article 1 1) de la convention n° 98: «Les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi.»

Article 1 2) a) de la convention n° 98: «Une telle protection doit notamment s’appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de: a) subordonner l’emploi d’un travailleur à la condition qu'il ne s'affilie pas à un syndicat ou cesse de faire partie d'un syndicat.»

4 Article 1 de la convention n° 135: «Les représentants des travailleurs dans l'entreprise doivent bénéficier d’une protection efficace contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu'ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur.»

Texte intégral de la décision