Cour suprême de justice, Chambre constitutionnelle, José Manuel Paniagua Vargas et autres fonctionnaires de la Commission nationale pour les questions indigènes c. le Ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports et la Commission nationale pour les questions indigènes (CONAI), 16 janvier 1998, décision n° 0241-98
Constitution du Costa Rica
Article 7, paragraphe 1
Les traités publics, accords internationaux et concordats régulièrement approuvés par l’Assemblée législative auront une autorité supérieure à celle des lois internes, à partir du moment de leur entrée en vigueur ou à partir du jour fixé par la loi.
Costa Rica
Peuples indigènes et tribaux
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Traité ratifié;1 jurisprudence internationale2
Droits des populations indigènes et tribales/ Diminution de 85 % du budget attribué à la Commission nationale pour les affaires indigènes/ Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
La Commission nationale pour les affaires indigènes (CONAI) ayant subi, par décret, une coupe drastique de son budget, plusieurs fonctionnaires de la commission avaient formé un recours en protection des droits fondamentaux (recurso de amparo) pour violation des droits fondamentaux des populations indigènes.
Pour déterminer si la réduction du budget de la CONAI décrétée par l’Exécutif était contraire aux droits fondamentaux des populations indigènes, la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice a appliqué la convention n° 169 de l’OIT. Cet instrument oblige d’une part tout État l’ayant ratifiée à développer des programmes destinés à sauvegarder les institutions, les biens, le travail, la culture et l’environnement des populations indigènes et requiert d’autre part que les populations indigènes soient consultées avant que des décisions spécifiques les concernant ne soient prises.
Sur le fondement des obligations générales contenues dans la convention internationale, la juridiction a considéré que la réduction du budget de la CONAI portait indûment atteinte au rôle de l’institution en matière de développement des initiatives destinées aux populations indigènes. Cette situation constituait une violation des obligations contractées par l’État du Costa Rica en vertu la convention n° 169 de l’OIT, portant ainsi atteinte au principe de bonne foi avec lequel les accords internationaux doivent être appliqués.
La Cour a également relevé que l’obligation, incluse dans la convention, de consulter les populations indigènes avant l’adoption de mesures particulières les concernant, n’avait pas été respectée en l’espèce.
La Chambre s’est prononcée de la manière suivante:
«(…) attendu qu’il est prouvé que d’une année sur l’autre le budget de la CONAI a été réduit substantiellement, ce qui implique de la limiter indûment dans son rôle d’institution ou de dispositif pour le plein développement des institutions et initiatives des indigènes dans notre pays, qu’aux termes de l’article 33 de la convention n° 169 de l’OIT réduire le budget de l’institution porte atteinte au principe de bonne foi selon lequel les accords internationaux doivent être interprétés et appliqués sur notre territoire.
Qu’il est en effet invoqué une situation interne pour justifier le non-respect des termes d’un traité, comme c’est ici le cas, alors que devraient être observées des mesures spéciales pour sauvegarder, entre autres, les intérêts des indigènes, leur travail et culture (articles 26 et 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités).
Qu’au-delà de cette obligation générale d’interprétation des traités, il existe précisément dans la Convention n° 169 de l’OIT, en vertu de son article 6 alinéa 2, une obligation spéciale de procéder à une consultation des peuples indigènes, en conformité avec le principe de bonne foi. Attendu que cette consultation expresse des groupes indigènes du pays sur la réduction du budget de la CONAI n’a pas eu lieu. (…)
Dès lors que le Costa Rica a ratifié cet instrument international, l’État du Costa Rica s’est engagé, selon l’article 4 précité, à prendre des mesures spéciales. Cet engagement doit être compris comme une activité constante visant à sauvegarder ces groupes ethniques minoritaires et, entre autres, leurs institutions, leurs biens, le travail et l’environnement, de l’influence de notre population et de sa culture.
Ces mesures spéciales doivent signifier pour l’État une interdiction d’abandonner ou de laisser à la dérive une institution publique qui a pour objet de devenir un forum de discussion et d’initiative des questions indigènes du pays.»
La Chambre a en outre cité un avis de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (Avis OC-2/82, du 24 septembre 1982) dans lequel cette juridiction fait référence aux traités sur les droits de l’homme en précisant ce qui suit:
«(…) ce ne sont pas des traités multilatéraux de type traditionnel, conclus en fonction d’un échange réciproque de droits au bénéfice mutuel des États contractants, leur objet et leur finalité sont la protection des droits fondamentaux des êtres humains, indépendamment de la nationalité de ces derniers, tant face à leur propre État que vis-à-vis des autres États contractants.»
En conséquence, la Cour suprême a précisé qu’à la lumière des règles édictées par la convention n° 169 de l’OIT, la réduction du budget de la CONAI décrétée par l’Exécutif avait enfreint les obligations contractées par l’État du Costa Rica de protéger les populations indigènes, motif pour lequel la Cour a accueilli le recurso de amparo et ordonné à l’État le rétablissement de la situation budgétaire de la CONAI.
1 Convention de Vienne sur le droit des traités, 1969; convention (n° 169) de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989.