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Cour suprême d’Espagne, Secundino C.R. c. TOVIC S.L., 2 octobre 1989

Constitution de Espagne

Article 10, paragraphe 2

Les normes relatives aux droits fondamentaux et aux libertés que la Constitution reconnaît doivent être interprétées en conformité avec la Déclaration universelle des droits de l’homme et avec les traités et accords internationaux sur les mêmes matières ratifiés par l’Espagne.

Article 96, paragraphe 1

Les traités internationaux valablement adoptés, une fois officiellement publiés en Espagne, font partie de la législation nationale. Leurs dispositions ne pourront faire l’objet d’une dérogation, d’une modification ou d’une suspension que sous la forme prévue dans les traités ou en accord avec les normes générales du droit international.

Pays:
Espagne
Sujet:
Licenciement , Liberté syndicale
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traité ratifié1

Licenciement/ Liberté syndicale/ Temps consacré à l’activité de représentation syndicale/ Interprétation du droit national à la lumière du droit international

Une entreprise licencia un travailleur pour violation de la bonne foi contractuelle pour absence au travail. Ledit travailleur contesta son licenciement en justice arguant que les absences alléguées étaient justifiées par la participation aux réunions de la commission de négociation de la convention collective du secteur du métal. La décision de première instance accrédita la thèse de l’entreprise selon laquelle le travailleur aurait dû revenir à ses activités quand il avait fini son action de représentation syndicale au lieu de rester chez lui ou de fréquenter les bars, ce qui constituait un usage abusif du temps consacré à l’activité syndicale.

Face à cette situation, le demandeur interjeta appel, estimant qu’il fallait considérer le temps consacré à la représentation syndicale selon des critères plus larges, ce qui incluait l’échange d’impression avec des camarades, et que sa conduite était donc conforme à la loi.

Afin de déterminer si le licenciement pour usage abusif du temps octroyé au représentant syndical pour mener ses activités syndicales était injustifié, la Cour suprême interpréta la loi organique de liberté syndicale2 à la lumière de la Constitution nationale et de la convention n° 135 de l’OIT. Il estima que ladite convention reconnaît la concession des congés rémunérés nécessaires à l’exercice adéquat de l’activité de négociation par les représentants syndicaux. La Cour considéra également que, dans le cadre de la Convention, l’utilisation des congés ne peut faire l’objet de contrôles excessivement pointilleux et que des critères raisonnables doivent être pris en considération.

La Cour signala ce qui suit:

«(...) interprétation qui ne s’avère pas conforme avec la finalité du principe, en ce que l’objectif de faciliter les fonctions de négociation des représentants doit aller de pair avec la non-imposition de charges excessives à l’entreprise, comme le prévoit l’article 2 3) de la convention n° 135 de l’OIT.3 Il en découle la nécessité que la justification relative à l’article 37 3) du Statut des travailleurs4doit englober dans ces cas non seulement l’activité motivant le congé, mais aussi l’adaptation de celle-ci au temps utilisé, conformément à des critères raisonnables.

(…) que l’on ne peut exiger un calcul scrupuleux du temps utilisé, lequel doit être flexible et préserver l’indépendance du représentant, (…) les représentants des travailleurs ont le droit de se libérer de leurs fonctions sans être soumis à une surveillance particulière, parce que cela constitue une entrave ou une restriction à leur droit à la liberté ou au libre exercice de la charge, déduction obtenue dans ledit arrêt à la lumière de l’article 28 1) de la Constitution5 et de la convention n° 135 de l’OIT.»

La Cour suprême d’Espagne interpréta donc la législation nationale à la lumière de la convention n° 135 de l’OIT pour statuer que le congé destiné à l’activité syndicale du travailleur ne doit pas faire l’objet d’un contrôle strict, concluant que le comportement du demandeur ne justifiait pas la sanction de licenciement.


1 Convention (n° 135) de l’OIT concernant les représentants des travailleurs, 1971.

2 Article 9 2) de la loi organique de liberté syndicale n° 11/1985 du 2 août 1985: «Les représentants syndicaux participant aux commissions de négociation des conventions collectives en respectant leurs obligations de travailleurs actifs dans une entreprise ont droit aux congés rémunérés nécessaires à l’exercice adéquat de leur activité de négociateur pour autant que l’entreprise soit concernée par la négociation.»

3 Article 2 3) de la convention n° 135: «L’octroi de telles facilités ne doit pas entraver le fonctionnement efficace de l'entreprise intéressée.»

4 Article 37 3) du Statut des travailleurs: «Moyennant avis et justification, le travailleur pourra s’absenter du travail tout en maintenant son droit à la rémunération, pour l’un des motifs et pendant la durée indiqués ci-après: (…) e) pour assumer des fonctions syndicales ou de représentation du personnel dans les termes établis par la loi ou par une convention.»

5 Article 28 1) de la Constitution espagnole: «Tous les travailleurs ont le droit de s’associer librement. La loi peut limiter ou interdire l’exercice de ce droit aux forces ou corps armés ou aux autres corps soumis à une discipline militaire et fixe les particularités de l’exercice de ce droit par les fonctionnaires. La liberté syndicale englobe le droit à fonder des syndicats et à s’affilier au syndicat de son choix, ainsi que le droit des syndicats à former des confédérations et des organisations syndicales internationales ou à s’affilier à celles-ci. Personne ne peut être obligé à s’affilier à un syndicat.»

Texte intégral de la décision