en
fr
es

Cour européenne des droits de l'homme, Troisième section, Enerji Yapi-Yol Sen c. Turquie, 21 avril 2009, Requête n° 68959/01

Cours:
Cour européenne des droits de l’homme
Sujet:
Droit de grève , Liberté syndicale
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit européen des droits de l’homme à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Convention de l’OIT;1 travaux des organes de contrôle internationaux2

Liberté syndicale et droit de grève/ Interdiction de réunion/ interprétation de l'article 11 de la de la Convention européenne des droits de l'Homme à la lumière du droit international

Des fonctionnaires turcs, travaillant dans le secteur du cadastre, de l'énergie et dans les services d'infrastructures et de construction d'autoroutes, avaient fondé un syndicat qui devint membre de la Fédération des syndicats du secteur public. En 1996, cinq jours avant des actions programmées par cette Fédération pour la reconnaissance du droit à une convention collective des fonctionnaires, le gouvernement turc avait publié une circulaire interdisant aux fonctionnaires de participer à des rassemblements dans un but de grève. Des membres du syndicat, ayant participé à ces journées de grève et fait des déclarations à la presse, s'étaient vu infligés des sanctions disciplinaires. Saisi par le syndicat d'une demande en annulation de la circulaire, le Conseil d'État avait rejeté ce recours. Sur un pourvoi formé par le syndicat, l'Assemblée Plénière du Conseil d'État avait confirmé l'arrêt.

La Cour européenne des droits de l'Homme fut alors saisie par le syndicat d'une violation par la République turque des articles 11 et 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme.

Mettant en œuvre les principes d'interprétation énoncés dans son arrêt Demir et Baykara/Turquie, la Cour a conforté sa solution par la prise en compte d'éléments tirés de droit international autres que la Convention européenne des droits de l'Homme.  Après avoir affirmé que la grève, qui permet au syndicat de faire entendre sa voix, constitue un aspect important pour les membres d'un syndicat dans la protection de leurs intérêts, elle s'est référée à la convention n° 87 de l'OIT. Elle a ainsi noté que le droit de grève est reconnu par les organes de contrôle de l'Organisation Internationale du Travail comme le corollaire indissociable du droit d'association syndicale protégé par la convention n° 87 de l'OIT.

Interprétant l'article 11 à la lumière de ces principes, la Cour a affirmé que, si l'interdiction du droit de grève pouvait concerner certaines catégories de fonctionnaires, elle ne pouvait pas s'étendre aux fonctionnaires en général, comme en l'espèce, ou aux travailleurs publics des entreprises commerciales ou industrielles de l'État. Elle a ajouté que la circulaire, rédigée en des termes généraux, interdisait de manière absolue à tous les fonctionnaires le droit de grève, sans qu'il soit démontré par la Turquie de la nécessité dans une société démocratique de la restriction incriminée.

Le recours à des éléments de droit  international autres que la Convention européenne des droits de l’Homme a ainsi conduit la Cour à conclure que l'adoption de la circulaire de 1996 et son application par la Turquie ne correspondaient pas à un « besoin social impérieux » et qu'il y avait eu par conséquent atteinte à la jouissance effective par le syndicat requérant des droits consacrés à l'article 11 de la convention.


1 Convention (n° 87) de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 (ratifiée par la Turquie le 12 juillet 1993).

2 Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’OIT ; Comité de la liberté syndicale de l’OIT .

Texte intégral de la décision