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Cour européenne des droits de l’homme, Van der Mussele c. Belgique, Requête n°8919/80, 23 novembre 1983, série A n° 70

Cours:
Cour européenne des droits de l’homme
Sujet:
Travail forcé
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit européen des droits de l’homme à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Convention de l’OIT;1 travail des organes de contrôle internationaux2 

Travail forcé/ Avocat stagiaire/ Interprétation de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à la lumière du droit international 

Le requérant, un avocat stagiaire, fut désigné en tant qu’avocat d’office pour assister des prévenus

indigents. Il se plaignit d’avoir été appelé à fournir ces services sans rétribution et sans remboursement de ses frais, et dénonça le fait qu’un refus l’eut exposé à des sanctions en vertu du Code judiciaire belge. Il y voyait un travail forcé ou obligatoire, incompatible avec l’article 4 de la Convention européenne de droits de l’homme (Interdiction de l’esclavage et du travail forcé). 

Notant que «les rédacteurs de la Convention européenne […] se sont inspirés, dans une large mesure» de la Convention n° 29 de l’OIT,3 la Cour européenne des droits de l’homme se servit de la définition du travail forcé qu’elle contenait comme point de départ pour interpréter l’article 4 de la Convention européenne. La cour constata que les services rendus à titre gracieux par le requérant s’analysaient en un «travail» au regard de l’article 4 de la Convention européenne. Afin de déterminer si ce travail était forcé, la cour s’interrogea sur l’existence de la menace d’une peine quelconque. Sur la base à la fois de la Convention et des commentaires de la Commission d’experts de l’OIT, elle constata que les perspectives de voir rayer son nom de la liste des stagiaires ou rejeter sa demande d’inscription au tableau de l’ordre étaient «suffisamment redoutables» pour pouvoir constituer la menace d’une peine. Concernant le troisième élément, à savoir l’absence de caractère volontaire (absence d’une «offre de plein gré»), la Cour nota le consentement préalable du requérant mais constata qu’il n’était pas déterminant. Selon elle «deux conditions cumulatives doivent être réunies: non seulement le travail devrait être accompli contre le gré de l’intéressé, mais il faudrait de surcroît que l’obligation revête un caractère “injuste” ou “oppressif” ou que son exécution représente une “épreuve évitable”».4 Tel pourrait être le cas si le service requis imposait un fardeau à ce point excessif ou hors de proportion avec les avantages attachés à l’exercice futur de la profession, que le service ne saurait passer pour avoir été à l’avance offert de plein gré. 

La Cour conclut que ces conditions n’étaient pas réunies étant donné que les services ne «sortaient pas du cadre des activités normales d’un avocat» et qu’ils concouraient à sa formation professionnelle. En outre, le fardeau n’était pas excessif ni hors de proportion puisqu’il lui restait assez de temps pour son travail rémunéré. Par conséquent, la cour déclara qu’il n’y avait pas eu de violation de la Convention. 

 


1 Convention (n° 29) de l’OIT sur le travail forcé, 1930.

2 Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de l’OIT.

3 Paragraphe 32 de la décision.

4 Paragraphe 37 de la décision.

Texte intégral de la décision