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Cour européenne des droits de l’homme, Union nationale des travailleurs du transport, du transport ferroviaire et maritime c. Royaume-Uni, 8 avril 2014, affaire n° 31045/10

Cours:
Cour européenne des droits de l’homme
Sujet:
Droit de grève , Liberté syndicale , Négociation collective
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit européen des droits de l’homme à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Convention de l'OIT;1 travaux des organes de contrôle internationaux2 

Grève/ Action secondaire/ Négociation collective/ Liberté syndicale/ Interprétation du droit européen des droits de l’homme à la lumière du droit international

Dans cette affaire, l’Union nationale des travailleurs du transport, du transport ferroviaire et maritime (RMT) a demandé à la Cour européenne des droits de l’homme de déterminer si la procédure de vote pour l’action de grève et l’interdiction de l’action collective secondaire telles que définies dans la législation du Royaume-Uni imposaient des restrictions excessives à la liberté syndicale consacrée dans l’article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Les faits à l’origine de l’affaire se rapportent à deux processus de négociation collective auxquels le syndicat avait participé. Dans le premier cas, lors de la négociation collective avec l’entreprise EDF Engergy Powerlink LTD , le syndicat avait décidé de recourir à un vote afin de décider si un appel à la grève devait être lancé. À cet effet, le syndicat avait fait savoir à l’entreprise que des ingénieurs et des techniciens participeraient au vote. L’entreprise avait demandé des clarifications quant aux types de travailleurs inclus dans le groupe des « techniciens ». Puisque le syndicat avait refusé de donner un éclaircissement, l’entreprise avait obtenu une ordonnance pour empêcher le scrutin jusqu’à ce que l’information soit dévoilée. Une fois l’information révélée, la grève avait eu lieu et avait débouché sur une amélioration des salaires. Le second cas portait sur une action de grève lancée contre l’entreprise Hydrex dans le but de maintenir les modalités et les conditions d’origine des contrats de 20 travailleurs qui avaient été transférés d’une autre entreprise. En raison du faible nombre de membres syndicaux travaillant pour Hydrex, la grève n’avait pas eu un grand impact sur le fonctionnement de l’entreprise et, puisqu’il n’était pas juridiquement possible de demander une action secondaire, les 20 travailleurs n’avaient eu d’autre choix que d’accepter les modalités et conditions de contrat offertes par l’entreprise.

La Cour a rejeté la plainte du plaignant en ce qui concerne la procédure de vote pour la grève du fait  qu’une action de grève avait été organisé contre EDF quelques mois après l’injonction légale, démontrant que la procédure de vote ne constituait pas une restriction excessive à la liberté syndicale consacrée à l’article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

D’autre part, en ce qui concerne la seconde action de grève, la Cour a jugé que l’interdiction d’une telle action représentait une ingérence dans l’exercice de la liberté syndicale telle qu’énoncée à l’article 11 de la Convention européenne. Cependant, elle a jugé nécessaire de déterminer si cette restriction restait dans les limites établies à l’article 11 de la Convention. La Cour débuta son analyse en déclarant que:

« L’action secondaire est reconnue et protégée comme faisant partie de la liberté syndicale en vertu de la Convention n° 87 de l’OIT et la Charte sociale européenne. (…) Il se peut que, en raison de sa nature, l’action collective secondaire constitue davantage un accessoire qu’un aspect fondamental de la liberté syndicale (…).»3

La Cour a ensuite déclaré que l’interdiction de l’action secondaire trouvait son origine dans l’intérêt légitime de protéger les droits et les libertés des citoyens en général et que le fait qu’elle soit restée en vigueur pendant plus de 20 ans démontrait qu’elle était le résultat d’un consensus démocratique. Cependant, la Cour a déclaré que le Comité européen des droits sociaux avait à plusieurs reprises critiqué le Royaume-Uni pour sa position sur l’action secondaire. La Cour a également souligné que cette position avait fait l’objet de beaucoup de critiques de la part de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’OIT. Toutefois, la Cour a jugé que les recommandations issues de la Commission d’experts n’avaient pas un caractère contraignant.

Après avoir souligné le fait que la compétence de la Cour se limitait strictement à la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour en a conclu que le Royaume-Uni n’avait pas bafoué l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme.



2 Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations; Comité européen des droits sociaux.

3 Pages 29 et 30 de la décision.

Texte intégral de la décision