Cour européenne des droits de l’homme, C.N. et V. c. France, Requête n°67724/09, 11 octobre 2012
Cour européenne des droits de l’homme
Travail forcé
Interprétation du droit européen des droits de l’homme à la lumière du droit international
Convention de l’OIT;1 Rapport du BIT
Travail forcé/ Mineurs d'âge/ Interprétation de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à la lumière du droit international
Les requérantes, deux sœurs orphelines originaires du Burundi mineurs d'âge, alléguèrent qu’elles avaient été maintenues en état de servitude et assujetties à un travail forcé ou obligatoire et que la France avait failli à ses obligations positives y relatives.
Pour déterminer si les requérantes ont été tenues en servitude et assujetties à un travail forcé ou obligatoire emportant la violation de l’article 4 de la Convention européenne des droits de l'homme, la Cour fonda son raisonnement sur divers instruments internationaux, parmi lesquels la Convention n° 29 de l’OIT, et cita dans le détail le rapport du BIT « Le coût de la coercition », se référant au travail des organes de contrôle de l’OIT eu égard à la définition du «travail forcé » :
« Dans la définition qu’en donne l’OIT, pour qu’il y ait travail forcé, deux éléments doivent être réunis: le travail ou le service est exécuté sous la menace d’une peine et contre la volonté de la personne. Tous les travaux des organes de contrôle de l’OIT ont servi à préciser ces deux aspects. La peine en question n’est pas nécessairement une mesure pénale et peut consister en une perte de droits et de privilèges. […]
S’agissant de l’offre de travail ou de service «de plein gré», les organes de contrôle de l’OIT ont examiné diverses facettes du problème et se sont intéressés notamment à la forme et à l’objet du consentement, à l’incidence des contraintes extérieures ou des pressions indirectes, ainsi qu’à la possibilité d’annuler un accord librement consenti. […] Les victimes du travail forcé sont fréquemment des personnes qui, initialement, se sont engagées de leur plein gré dans un travail – même s’il a fallu pour cela abuser de leur confiance – et qui comprennent plus tard qu’elles ne sont plus libres de le quitter, entravées qu’elles sont par des liens qui peuvent être de nature juridique, physique ou psychologique. On peut toutefois considérer que le consentement initial est sans valeur s’il a été obtenu par une escroquerie ou un abus de confiance. »2
Sur la base de l'interprétation de la Convention européenne des droits de l'homme à la lumière de la convention n° 29 de l’OIT, la Cour conclut que la France avait failli à «ses obligations positives de mettre en place un cadre législatif et administratif permettant de lutter efficacement contre la servitude et le travail forcé»3 à l’égard de la première requérante, et ordonna l'indemnisation pour les préjudices subis par elle.