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Cour du district de Tallin, Division administrative, Ly Kovanen c. Département de réforme de la propriété de la ville de Tallin, 6 novembre 2001, n° II-3-286/2000

Constitution de l’Estonie

Article 3, paragraphe 1

Le pouvoir exercé par le gouvernement doit être uniquement mis en œuvre sur le fondement de la Constitution et des lois conformes à celle-ci. Les principes et normes de droit international universellement reconnus font partie intégrante du système juridique estonien.

Article 123

La République d’Estonie ne peut conclure de traités internationaux en conflit avec la Constitution.

Si les lois estoniennes ou d’autres actes sont en contradiction avec des traités internationaux ratifiés par le parlement, les articles du traité international doivent être appliqués.

Pays:
Estonie
Sujet:
Licenciement , Protection contre la discrimination dans l’emploi et la profession
Type d’utilisation du droit international:
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Type d’instruments utilisés:

traités ratifiés1

Licenciement d’une déléguée syndicale/ Absence d’autorisation de l’inspecteur du travail/ Détermination du statut de délégué syndical/ Résolution directe du litige sur le fondement du droit international

Mme Ly Kovanen, déléguée syndicale dans une administration, avait été licenciée. Le licenciement était survenu sans que la procédure d’autorisation de l’inspecteur du travail ne soit suivie. Le problème juridique résultait du fait que son administration estimait que Mme Kovanen n’était pas une représentante des travailleurs. En effet, le jour où la demandeuse avait été élue déléguée syndicale, son syndicat ne possédait pas de constitution et son élection n’était pas inscrite dans les minutes officielles. De l’établissement ou non de la qualité de représentante des travailleurs de Mme Kovanen découlait la légalité ou l’illégalité du licenciement sans autorisation de l’inspecteur du travail.

Dans son jugement, la division administrative de la Cour du district de Tallin a estimé que la négation du statut de déléguée à Mme Kovanen n’était pas justifiée et que la reconnaissance du statut de travailleur protégé ne devait pas être subordonnée à l’examen scrupuleux de formalités administratives mais dépendait de l’exercice effectif de la fonction de représentant du personnel.

La Cour administrative a directement fondé sa décision sur le droit international:

«Cette considération ne serait pas en conformité avec l’article 292 de la Constitution de la République d’Estonie et avec les instruments internationaux pertinents qui donnent aux employés des garanties supplémentaires pour mettre en oeuvre leur liberté d’association.

Selon l’article 2 de la convention n° 87 de l’OIT (ratifiée par la République d’Estonie le 22 septembre 1993), les employeurs et les employés ont le droit de former et de s’affilier à des organisations sans autorisation préalable, de leur propre volonté, sans aucune exception et en conformité avec les règles de l’organisation concernée.

Selon l’article 3 de la convention susmentionnée, ces organisations ont le droit d’élaborer leurs propres règles et de choisir librement leurs représentants.

L’article 3 de la convention n° 135 établit qu’aux fins de la convention, les représentants des employés sont les personnes reconnues comme étant représentants des travailleurs par la loi ou la pratique de l’État concerné (…). L’article 1er de cette convention stipule que ces représentants seront protégés contre toute activité nuisible, inter allia contre le licenciement.»

Sur ce fondement, la Cour du district de Tallin a ensuite constaté que la demandeuse était, dans les faits, reconnue comme représentante de son syndicat aussi bien par son administration que par son syndicat. Pour établir ceci, la juridiction s’est appuyée notamment sur la correspondance entre l’administration de Mme Kovanen et le syndicat. La Cour a conclu que la protection prévue pour les représentants syndicaux devait être appliquée à la demandeuse dès lors que celle-ci exerçait effectivement cette fonction. Par conséquent le licenciement sans autorisation de l’inspecteur du travail était illégal. La Cour a directement fondé cette solution sur les règles contenues dans les deux conventions de l’OIT susnommées. Elle n’a pas réintégré Mme Kovanen dans son emploi puisque cette dernière ne le souhaitait pas mais lui a accordé une indemnisation pécuniaire.


1 Convention (n° 87) de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; convention (n° 135) de l’OIT concernant les représentants des travailleurs, 1971.

2 L’alinéa relatif à la liberté syndicale de l’article 29 de la Constitution est l’alinéa 5: «Les employeurs et les travailleurs peuvent librement s’affilier à des syndicats et des associations. Les syndicats et associations des employeurs et des travailleurs peuvent pour défendre leurs droits utiliser tous les moyens qui ne sont pas interdits par la loi. (…)»

Texte intégral de la décision