en
fr
es

Cour de justice de l’Union Européenne, Grande Chambre, KHS AG c. Winfried Schulte, 22 novembre 2011, Affaire n° C‑214/10

Cours:
Cour de justice de l’Union européenne
Sujet:
Congés payés
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit de l’Union européenne à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Convention de l’OIT1

Capacité de la législation nationale à fixer des limites temporaires sur l’accumulation de droits non utilisés à des congés annuels payés acquis pendant une période d’incapacité de travail/ Interprétation du droit de l’Union européenne à la lumière du droit international

Le plaignant était serrurier, employé par une société allemande couverte par une convention collective stipulant un droit à 30 jours de congés annuels payés par année de service. Cette convention comprenait également une disposition prévoyant un paiement en substitution d’un congé payé non pris à la cessation de l’emploi. De plus, une autre disposition de la convention collective déclarait que le droit d’un employé à des congés annuels accumulés mais inutilisés (pour cause de maladie de l’employé) était annulé à expiration d’une période de report de 15 mois après la fin de l’année pendant laquelle les congés pouvaient être pris (période de référence), laquelle était une année civile.

Le plaignant fut victime d’une crise cardiaque en 2002. Il fut alors considéré inapte à travailler jusqu’à la cessation de l’emploi en 2008. En 2009, le plaignant engagea des poursuites contre son employeur auprès de la juridiction allemande correspondante pour paiement des congés annuels accumulés mais non utilisés en 2006, 2007 et 2008, période pendant laquelle il n’avait pas pu pas prendre de congés annuels à cause de son invalidité.

En appel, le tribunal régional supérieur du travail (« Landesarbeitsgericht ») de Hamm statua que, conformément à la législation allemande et à la convention collective, le requérant n’avait pas le droit d’être payé pour des congés accumulés en 2006, ces congés ayant été annulés à cause de l’expiration du délai de report.

La juridiction allemande saisit ensuite la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE ») pour obtenir des orientations sur la compatibilité de la législation nationale avec la directive sur le temps de travail (La directive européenne 2003/88)2.

Pour déterminer si la législation nationale était compatible avec la directive sur le temps de travail, la CJUE se réfère à la convention n°132 de l’OIT. Elle constata que sa jurisprudence avait établi un droit inviolable aux congés annuels même en cas de maladie de longue durée. Cependant, l’accumulation, sans aucune limite de temps, du droit au congé ou à des indemnités de substitution ne représenterait plus la véritable finalité du droit au congé annuel payé. Concernant la limitation de la période de report de 15 mois, à expiration de laquelle l’employé perd son droit au congé, la CJUE se prononça en ces termes:

« À cet égard, il convient de relever, en outre, que, selon l’article 9, paragraphe 1, de la convention n° 132 de l’Organisation internationale du Travail, du 24 juin 1970, concernant les congés annuels payés (révisée), la partie ininterrompue du congé annuel payé devra être accordée et prise dans un délai d’une année au plus, et le reste du congé annuel payé dans un délai de dix-huit mois au plus à compter de la fin de l’année ouvrant droit au congé. Cette règle peut être comprise comme étant fondée sur la considération selon laquelle à l’expiration des délais qu’elle prévoit la finalité des droits à congé ne pourra plus être intégralement atteinte.

Dès lors, eu égard au fait que, selon son sixième considérant, la directive 2003/88 a tenu compte des principes de l’Organisation internationale du Travail en matière d’aménagement du temps de travail, le calcul de la période de report devrait prendre en considération la finalité du droit au congé annuel, telle qu’elle ressort de l’article 9, paragraphe 1, de ladite convention.

Compte tenu des considérations qui précèdent, il est raisonnablement possible de concevoir qu’une période de report du droit au congé annuel payé de quinze mois, telle que celle en cause au principal, ne méconnaît pas la finalité dudit droit, en ce qu’elle assure à celui-ci de garder son effet positif pour le travailleur en sa qualité de temps de repos. »3

En conséquence, après avoir fait mention de la convention n° 132 de l’OIT pour interpréter la directive de l’Union européenne, la CJUE estima que la limitation de la période de report de 15 mois était suffisante pour permettre en définitive au travailleur d’exercer de manière effective son droit au congé annuel.


1 Convention (n° 132) de l’OIT sur les congés payés (révisée), 1970 (ratifiée par l’Allemagne le 10 octobre 1975).

2 Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (JO L 299 du 18 novembre 2003, pp. 9-19).

3 Paragraphes 41 à 43 de la décision.

Texte intégral de la décision