Cour de cassation, Chambre sociale, 26 mars 2013, pourvoi n° 11-25580
Constitution française
Article 54
Si le Conseil Constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier Ministre, par le Président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution.
Article 55
Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie.
France
Licenciement
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Traités ratifiés1
Cessation unilatérale de la relation de travail/ Période d’essai/ Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Un homme avait été engagé en qualité de personnel naviguant commercial par une société de droit irlandais, filiale d’une compagnie aérienne française. Le contrat, d’une durée de trois ans, avait été rédigé en anglais, était soumis par les parties à la législation irlandaise et prévoyait une période d’essai de six mois, renouvelable une fois dans la limite de douze mois. Au cours de la période d’essai, l’employeur avait mis un terme au contrat du salarié.
Le salarié avait alors saisi la justice afin d’obtenir diverses sommes au titre de la rupture du contrat. La cour d’appel avait requalifié le contrat en contrat à durée indéterminée et condamné l’employeur à verser l’indemnité de requalification. Elle avait néanmoins rejeté les autres demandes du salarié relatives à la rupture du contrat de travail pendant la période d’essai. Ce dernier avait donc interjeté appel.
Dans son arrêt, la Cour de cassation se fonde sur les articles 3 et 6 de la Convention de Rome qui autorisent les parties à choisir la loi applicable au contrat de travail mais prévoient que ce choix ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, c’est-à-dire la loi du lieu d’exécution habituel du contrat de travail ou, si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur. Dans son visa, la Cour de cassation s’appuie également sur les principes posés par la convention n° 158 sur le licenciement et notamment sur la dérogation prévue en son article 2, paragraphe 2 b) qui autorise l’employeur à rompre la relation de travail, sans qu’il ait à justifier d’un motif valable, pendant la période d’essai, « à condition que la durée de celle-ci soit fixée d'avance et qu'elle soit raisonnable ».
Elle poursuit en rappelant les constatations de la Cour d’appel selon lesquelles le contrat de travail avait été soumis par les parties au droit irlandais mais avait été exécuté en France pendant l’intégralité de la durée de la relation contractuelle. La Cour d’appel avait néanmoins décidé « qu’il n’existait aucune disposition d’ordre public en droit français interdisant, au moment de la rupture du contrat de travail en 2006, une période d’essai d’un an ».2
La Cour de cassation déclare au contraire que « les dispositions de l’article 2 de la convention n° 158 de l’OIT constituent des dispositions impératives et qu’est déraisonnable, au regard des exigences de ce texte, une période d’essai dont la durée, renouvellement inclus, atteint un an ».3 Elle casse donc l’arrêt de la Cour d’appel et renvoie l’affaire devant une autre cour.
Se fondant directement sur les dispositions de traités internationaux ratifiés par la France pour casser la décision de la cour d’appel, la Cour de cassation écarte la loi choisie par les parties au profit de l’application des dispositions impératives de la loi française dont font partie les dispositions de l’article 2 de la convention n° 158, relatif à la période d’essai.
1 Convention (n° 158) sur le licenciement, 1982; Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.