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Cour d’appel nationale du travail, VI Chambre, Balaguer, Catalina T. c. Pepsico de Argentina S.R.L., 10 mars 2004

Constitution nationale de l’Argentine

Article 31

La présente Constitution, les lois de la Nation adoptées en sa conséquence par le Congrès et les traités signés avec les puissances étrangères forment la loi suprême de la Nation; les autorités de chaque province sont tenues de s’y conformer, nonobstant toute disposition contraire contenue dans les lois ou constitutions provinciales sauf, pour la province de Buenos Aires, les traités ratifiés après le Pacte du 11 novembre 1859. 

Article 75, paragraphe 22

(…) Les traités et concordats possèdent un rang supérieur aux lois. Dans leurs conditions d’application, la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme; la Déclaration universelle des droits de l’homme; la Convention américaine relative aux droits de l’homme; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et son protocole facultatif; la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide; la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale; la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes; la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la Convention relative aux droits de l’enfant ont rang constitutionnel, ne dérogent à aucun article de la première partie de la présente Constitution et doivent être considérés complémentaires des droits et garanties reconnus par celle-ci. (…)

Pays:
Argentine
Sujet:
Licenciement
Type d’utilisation du droit international:
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traités ratifiés;1 instruments non soumis à ratification2

Amparo/ Droit à la non-discrimination/ Invocation de causes génériques dans le licenciement/ Principe de la liberté syndicale/ Réintégration de la travailleuse

La demanderesse était une travailleuse qui n’exerçait pas de fonction syndicale ; par conséquent, elle ne bénéficiait pas de la stabilité de l’emploi (impossibilité d’être licencié, suspendu ou de modifier les modalités du contrat du travail sans une décision préalable de levée de l’immunité syndicale) que le droit argentin accorde aux dirigeants syndicaux, en vertu de la législation nationale : loi nº 23551 relative aux associations syndicales. Cependant, la demanderesse était l’épouse d’un dirigeant syndical bénéficiant de cette protection juridique ; en outre, dans les faits, elle s’occupait habituellement de la défense des droits de ses collègues.

Après un conflit collectif auquel la demanderesse avait participé activement, l’entreprise a annoncé à Mme Balaguer son licenciement, en invoquant comme motif ses faibles performances. Mme Balaguer a rejeté le licenciement en déclarant que la véritable raison de la rupture du contrat de travail était son activité de défense des droits des travailleurs et son statut d’épouse d’un dirigeant syndical ; elle a présenté un recours en amparo, demandant sa réintégration à son poste de travail, sur la base du caractère discriminatoire de son licenciement.

La législation argentine du travail, en ce qui concerne le droit individuel du travail, ne contient pas de dispositions directes sur le licenciement discriminatoire (sans préjudice de l’interdiction de la discrimination) ; et au niveau du droit collectif du travail, la loi relative aux associations syndicales ne prévoit pas la possibilité de réintégration, face à la conduite antisyndicale d’un employeur.

Le juge d’instance a fait droit à la demande de Mme Balaguer, acceptant la voie de l’amparo et ordonnant sa réintégration, en vertu de la législation interne argentine de caractère général (ne concernant pas spécifiquement le travail) qui interdit, sous peine de nullité, tout acte de discrimination (loi n° 23592).

Par voie de recours en appel, la Cour d’appel nationale du travail a confirmé le jugement. Dans sa décision, la Cour a analysé la notification de licenciement, en affirmant que les raisons génériques ou vastes qui ont été invoquées (dans ce cas, « faibles performances ») n’étaient pas suffisantes pour satisfaire l’obligation de justifier le motif du licenciement, en vertu de la législation argentine du travail. En l’absence de motif fondé pour le licenciement, la plainte pour discrimination de la demanderesse devenait crédible, sa protection juridictionnelle par la voie de l’amparo étant fondée.

Pour fonder sa décision, la Cour d’appel nationale ne s’est pas référée uniquement à la loi nationale contre la discrimination de l’Argentine, mais s’est appuyée également sur l’application des normes au niveau international, ratifiées par l’Argentine : le système américain de protection des droits de l’homme, qui est le fondement du droit à la non-discrimination.

Et en ce qui concerne la protection du travailleur exerçant une activité syndicale, mais n’ayant pas de fonction officielle dans l’entité syndicale, la Cour s’est référée aux conventions n° 87 et n° 98 de l’OIT, qui élargissent la base des sujets bénéficiant d’une protection en vertu de la législation nationale argentine. La Cour a observé:

« [que] l’article 1 de la convention n° 98 établit, à son paragraphe 1, que « les employés doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi » et, à son paragraphe 2, lettre b) qu'« une telle protection doit notamment s'appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de (...) congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l'employeur, durant les heures de travail. »

Le licenciement ayant été qualifié d’acte discriminatoire, parce qu’il était motivé réellement par l’activité syndicale de la demanderesse, il a été déclaré nul, et en conséquence de la nullité de l’acte, la réintégration de la travailleuse était fondée.

« Dans cette affaire, l’avis de l’appelante, selon laquelle Mme Balaguer n’était pas protégée par la stabilité syndicale et selon laquelle l’article 47 de la loi 23.551 ne permettait pas sa réintégration, n’était pas pertinent, en ce sens que la législation protégeant contre les actes discriminatoires va au-delà de la protection conférée par la loi 23.551 et sanctionne tout acte inique basé sur des circonstances différentes, y compris les idées ou activités syndicales.

En foi de quoi, il convient de signaler que le licenciement discriminatoire, dans le régime de la loi 23.592 et dans les traités internationaux de rang constitutionnel (cf. art. 75, paragraphe 22, de la Constitution nationale), a pour corollaire distinctif que la discrimination doit « cesser » et - selon moi - la seule manière de procéder consiste à réintégrer la travailleuse à son poste, parce que les licenciements discriminatoires sont nuls et sans effet. »


1 Convention (n° 87) de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; convention (n° 98) de l’OIT sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; Pacte international relatif aux droits économiques; sociaux et culturels, 1966; Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966; Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 1965; Convention américaine relative aux droits de l’homme (« Pacte de San José de Costa Rica »), 1969; Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, 1979; Convention relative aux droits de l’enfant, 1989.

2 Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme, 1948; Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948.

Texte intégral de la décision