Cour d’appel du travail, Larocca María Cristina c. Compañia Sudamericana de Gas S.R.L. et autres, action civile résultant d’un accident, 28 août 2013, affaire n° 37.691/2010
Constitution nationale de l’Argentine
Article 31
La présente Constitution, les lois de la Nation adoptées en sa conséquence par le Congrès et les traités signés avec les puissances étrangères forment la loi suprême de la Nation; les autorités de chaque province sont tenues de s’y conformer, nonobstant toute disposition contraire contenue dans les lois ou constitutions provinciales sauf, pour la province de Buenos Aires, les traités ratifiés après le Pacte du 11 novembre 1859.
Article 75, paragraphe 22
(…) Les traités et concordats possèdent un rang supérieur aux lois. Dans leurs conditions d’application, la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme; la Déclaration universelle des droits de l’homme; la Convention américaine relative aux droits de l’homme; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et son protocole facultatif; la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide; la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale; la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes; la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la Convention relative aux droits de l’enfant ont rang constitutionnel, ne dérogent à aucun article de la première partie de la présente Constitution et doivent être considérés complémentaires des droits et garanties reconnus par celle-ci. (…)
Argentine
Santé et sécurité au travail
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Traités ratifiés1
Accident du travail/ Responsabilité civile de l’employeur/ Examen médical d’aptitude à l’emploi/ Premiers secours/ Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Mme Larocca a fait appel de la décision du Tribunal de première instance, qui a rejeté sa demande et a exonéré l’entreprise défenderesse de toute responsabilité civile pour l’accident de travail mortel de son mari. Le juge chargé de l’affaire a estimé que la demanderesse n’était pas parvenue à prouver qu’il existait une relation de cause à effet entre les préjudices subis et la responsabilité de l’entreprise.
La requérante a déclaré que son mari était âgé de 68 ans au moment de l’accident et qu’il travaillait pour l’entreprise défenderesse en tant que garde de sécurité. Elle a affirmé que ce travail était stressant et s’effectuait à l’extérieur; son mari était donc exposé aux conditions météorologiques qui, ce jour-là, furent à l’origine de cet infarctus foudroyant. La demanderesse a soutenu que l’entreprise avait bafoué diverses normes de sécurité et de santé au travail puisque son mari n’avait été soumis à aucun examen médical d’aptitude à l’emploi et que, en conséquence, l’entreprise n’avait pas vérifié qu’il fût apte au travail. Elle a également affirmé que l’entreprise ne possédait pas de matériel de premiers soins sur le lieu de travail de son mari: de ce fait, il avait dû chercher lui-même de l’aide, une situation qui constitue un manquement aux normes de sécurité et de santé au travail.
La Cour d’appel nationale a jugé que l’accident s’était déroulé dans des circonstances non conformes aux normes de sécurité et de santé au travail (article 5 de la loi n° 19587/72 sur la sécurité et la santé au travail et article 4 de la loi n° 24557 sur les risques professionnels). La Cour a souligné le fait que faire une crise cardiaque lorsque ni aide médicale ni matériel de premiers soins n’était disponible constituait un incident très grave pour un travailleur. Par ailleurs, la Cour a estimé que le fait que l’entreprise défenderesse n’avait pas soumis le travailleur à un examen d’aptitude à l’emploi constituait une grave omission puisque le travailleur souffrait d’une incapacité due à ses problèmes cardiaques, ce qui signifie que son insertion au sein de l’entreprise nécessitait des soins spécialisés et des mesures de prévention. L’expertise médicale ordonnée par la Cour a conclu qu’il existait un lien de cause à effet entre les conditions de travail pathogènes et les facteurs environnementaux, et l’infarctus dont le travailleur a été victime.
La Cour a ensuite indiqué que les omissions de la part de la partie défenderesse constituaient une violation des dispositions des conventions nos 155 et 187, qui font partie intégrante du système juridique argentin puisqu’elles ont rang constitutionnel selon le paragraphe 22 de l’article 75 de la Constitution. À la lumière des conventions mentionnées ci-dessus, la Cour a statué que:
« [La partie défenderesse] n’avait pas respecté les dispositions de l’article 18 de la convention n° 155 de l’OIT qui stipule que "les employeurs devront être tenus de prévoir, en cas de besoin, des mesures permettant de faire face aux situations d'urgence et aux accidents, y compris des moyens suffisants pour l'administration des premiers secours".
Le paragraphe 2 b) de l’article 5 de la convention n° 187 de l’OIT dispose que les programmes nationaux doivent "contribuer à la protection des travailleurs en éliminant ou en réduisant au minimum, dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable, les dangers et les risques (…) en vue de prévenir les lésions et maladies professionnelles et les décès imputables au travail et de promouvoir la sécurité et la santé sur le lieu de travail".»2
Compte tenu des dispositions nationales sur la sécurité et la santé au travail ainsi que des conventions nos 155 et 187 de l’OIT, la Cour a conclu que l’entreprise était responsable de l’accident de travail dont a été victime le travailleur et que, par conséquent, celle-ci devait être tenue civilement responsable et était contrainte de verser une indemnité à la plaignante.