Cour constitutionnelle, recours en inconstitutionnalité contre les articles 3 et 6.1 de la loi n° 1221 de 2008 fixant des normes pour promouvoir et réglementer le télétravail et autres dispositions, 19 juin 2013, affaire n° C-351/13
Constitution nationale de Colombie
Article 53
(...) Les conventions internationales du travail, dûment ratifiées, font partie de la législation nationale (…).
Article 93, paragraphe 1
Les traités et conventions internationaux, ratifiés par le Congrès, reconnaissant les droits de l’homme et interdisant leur limitation lors des états d’exception, prévalent dans l’ordonnancement juridique interne.
Les droits et devoirs consacrés dans cette Charte s’interprètent conformément aux traités internationaux sur les droits de l’homme ratifiés par la Colombie.
Colombie
Consultations tripartites , Télétravail
Référence au droit international pour renforcer une solution fondée sur le droit national
Traités ratifiés;1 instruments non soumis à ratification2
Organisations syndicales/ Télétravail/ Politique publique/ Référence au droit international pour renforcer une solution fondée sur le droit national
Plusieurs citoyens ont formé un recours en inconstitutionnalité contre deux dispositions de la loi n° 1221 de 2008. La première disposition faisant l’objet du recours était l’article 3, qui définissait les personnes qui avaient le droit de participer à l’élaboration de la politique publique sur le télétravail. Les demandeurs ont estimé que le législateur avait commis une omission législative en n’incluant pas les organisations syndicales dans le processus d’élaboration de la politique publique pour promouvoir le télétravail. Selon les requérants, cette omission constituait une violation de diverses dispositions de la Constitution dont le principe de participation au processus décisionnel des acteurs concernés par la politique publique en question.
La Cour s’est référée à la portée donnée au droit de participation au processus décisionnel à travers la jurisprudence nationale, indiquant que ce droit ne se limitait pas essentiellement au domaine électoral ou de l’État, mais incluait également d’autres espaces dans lesquels des décisions étaient prises et avaient une influence sur la vie des citoyens. La Cour a considéré que l’article 3 de la loi n° 1221 de 2008 excluait dans ses dispositions la représentation des travailleurs, qui devrait pourtant être prise en compte puisque la politique relative au télétravail aurait un impact direct sur leurs intérêts, leurs droits fondamentaux et les conditions de travail minimales inscrits dans la Constitution.
Finalement, la Cour s’est attachée à déterminer si les syndicats constituaient des organisations représentatives des intérêts des travailleurs valides. À cette fin, la Cour s’est référée à la jurisprudence nationale pour souligner que les syndicats représentaient les intérêts des travailleurs et qu’il s’agissait d’ailleurs d’une des compétences générales des syndicats. Pour étayer cette affirmation, la Cour s’est référée aux dispositions des conventions nos 87 et 144 de l’OIT déclarant que:
« L’article 2 de la convention n° 87 de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, prévoit que: "Les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières."
(...) La convention n° 144 de l’OIT (…) impose l’obligation de veiller à ce que les représentants des travailleurs puissent exercer leur droit de participation, en particulier dans le cadre des droits syndicaux. »3
En outre, la Cour a expressément souligné que:
« Les dispositions des conventions et recommandations internationales du travail – en particulier, la convention n° 87 de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; la convention n° 98 de l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949; et la recommandation n° 113 de l’OIT sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960 – consacrent le droit des employeurs et des travailleurs de mettre sur pied des organisations libres et indépendants et de demander que des mesures soient adoptées pour promouvoir une consultation efficace au niveau national entre les autorités publiques et les organisations de travailleurs et d’employeurs.»4
À partir de cette analyse des conventions et recommandations de l’OIT susmentionnées, la Cour en a conclu qu’il y avait une omission législative concernant l’exclusion des travailleurs, représentés par les syndicats, à la participation à l’élaboration d’une politique publique relative au télétravail, sans raison valable. La Cour a estimé que cette omission constituait une violation du droit de participation des travailleurs; cependant, afin d’éviter que l’abrogation de la loi n’ait une incidence sur l’existence de la politique publique relative au télétravail, elle a déclaré constitutionnel l’article 3 de la loi pour autant que les organisations syndicales puissent participer à l’élaboration d’une telle politique.
1 Convention (n° 87) de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; convention (n° 98) de l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949; Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966; convention (n° 144) de l’OIT sur les consultations triparties relatives aux normes internationales du travail, 1976.
2 Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948; recommandation (n° 113) de l’OIT sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960.