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Cour constitutionnelle, Parlement de Navarre c. loi 3/2012, affaire n° 5603-2012

Constitution de Espagne

Article 10, paragraphe 2

Les normes relatives aux droits fondamentaux et aux libertés que la Constitution reconnaît doivent être interprétées en conformité avec la Déclaration universelle des droits de l’homme et avec les traités et accords internationaux sur les mêmes matières ratifiés par l’Espagne.

Article 96, paragraphe 1

Les traités internationaux valablement adoptés, une fois officiellement publiés en Espagne, font partie de la législation nationale. Leurs dispositions ne pourront faire l’objet d’une dérogation, d’une modification ou d’une suspension que sous la forme prévue dans les traités ou en accord avec les normes générales du droit international.

Pays:
Espagne
Sujet:
Licenciement
Type d’utilisation du droit international:
Référence au droit international pour renforcer une solution fondée sur le droit national
Type d’instruments utilisés:

Traité ratifié;1 travaux des organes de contrôle internationaux2

Période d’essai / Conventions collectives/ Référence au droit international pour renforcer une solution fondée sur le droit national

Le demandeur souhaitait que soient déclarés inconstitutionnels les articles 4, 14.1, et 14.3 de la loi 3/2012 qui avait adopté des mesures urgentes pour la réforme du marché du travail. Selon le Parlement de Navarre, l’article 4 violait le droit constitutionnel au travail et la convention n° 158 de l’OIT en établissant une période d’essai d’un an pour les contrats à durée indéterminée d’appui aux entrepreneurs. Au sujet de l’article 14.1, le demandeur estimait qu’il violait les droits constitutionnels de liberté syndicale et de négociation collective en soumettant à l’arbitrage public et obligatoire le désaccord entre employeurs et syndicats sur la non-application d’une convention. En ce qui concernait l’article 14.3, qui stipulait que les conventions au niveau de l’entreprise primaient les conventions de portée supérieure dans certaines matières, le demandeur estimait qu’il violait le droit constitutionnel de négociation collective.

S’agissant de l’article 4, la Cour statua que le droit constitutionnel au travail n’était pas absolu et pouvait entrer en conflit avec d’autres droits constitutionnels.Elle indiqua également que l’article 2.2 de la convention n° 158 de l’OITautorisait les États à exclure de son application les travailleurs effectuant une période d'essai ou n'ayant pas la période d'ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d'avance et qu'elle soit raisonnable.Se référant au rapport du comité chargé d’examiner la réclamation relative au contrat à durée indéterminée pour les « nouvelles embauches » introduit en France en 2005,3 la Cour ajouta que l’OIT avait affirmé que la durée de cette période ne devait pas être excessivement longue. Cependant, la Cour décida que l’OIT avait « reconnu que les considérations politiques sous-jacentes– en particulier le développement d’un emploi plein et productif – et les mesures adoptées pour contrer ou limiter l’exclusion de la protection pourraient justifier une période d’exclusion trop relativement longue.»4

En ce qui concerne l’allégation de violation du droit constitutionnel de négociation collective découlant des articles 14.1 et 14.3, la Cour estima que ledit droit constitutionnel ne concourait pas au dessaisissement de l’État qui, par cette loi, pouvait établir des limites justifiées et raisonnables à ce droit.Dans ce cas, les restrictions étaient liées à des objectifs tels que la défense de la productivité et de la viabilité des entreprises et, in fine, de l’emploi.

En conclusion, la Cour, se référant à la convention n° 158 de l’OIT et aux travaux des organes de contrôle de l’OIT pour renforcer sa décision sur la première allégation, déclara constitutionnelles les normes contestées et rejeta la demande du Parlement de Navarre.5



2 Comité chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution par la France de la convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de la convention (n° 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, de la convention (n° 111) sur la discrimination (emploi et profession), 1958 et de la convention (n° 158) sur le licenciement, 1982, présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT.

3 Le rapport est disponible à l’addresse suivante : http://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=1000:50012:0::NO::P50012_LANG_CODE:fr:NO

4 Page 26 de la décision.

5 Le magistrat Fernando Valdés Dal-Ré émit un vote contraire en considérant, entre autres, qu’il avait été fait application incorrectede l’article 2.2 de la convention n° 158 de l’OIT, lequel constituait un « canon interprétatif inévitable » en ce sens que la période d’essai d’un an ne remplissait pas le critère de « raisonnabilité ». Le magistrat affirma que dans la décision, la majorité s’était refusée à analyser si les avantages octroyés aux employeurs étaient équilibrés face aux sacrifices des travailleurs, et que cette analyse était indispensable pour déterminer le caractère raisonnable de la mesure. Il affirma également qu’il n’avait pas été tenu compte des conclusions contenues dans le rapport du Comité de la liberté syndicale approuvé par le Conseil d’administration du BIT lors de sa 320e session, qui résolvait les différentes requêtes formulées par diverses organisations syndicales sur les réformes législatives apportées à la négociation collective en Espagne (voir:http://www.ilo.org/gb/GBSessions/GB320/ins/WCMS_239690/lang--fr/index.htm). 

Texte intégral de la décision