Cour constitutionnelle, deuxième chambre, Sindicato Único de Trabajadores Marítimos y Portuarios del Puerto del Callao (SUTRAMPORPC), 17 août 2009, affaire 03561-2009-PA/TC
Constitution du Pérou
Article 3
L’énumération des droits établis à ce chapitre ne porte pas préjudice aux autres droits garantis par la Constitution, ni à ceux de nature analogue ou basés sur la dignité de l’être humain ou sur les principes de souveraineté du peuple, de l’État démocratique de droit et de la forme républicaine de gouvernement.
Article 55
Les traités ratifiés par l’État et en vigueur font partie du droit national.
Article 56
Les traités doivent être approuvés par le Congrès avant leur ratification par le Président de la République, chaque fois qu’ils traitent des matières suivantes:
1. Droits de la personne; 2. Souveraineté, frontières ou intégrité de l’État; 3. Défense nationale; 4. Obligations financières de l’État.
Article 57, paragraphe 2
Lorsque le traité affecte des dispositions constitutionnelles, il doit être approuvé par le biais de la même procédure régissant la réforme de la Constitution, avant d’être ratifié par le Président de la République.
Disposition finale transitoire n° 4
Les normes relatives aux droits et libertés que la Constitution reconnaît sont interprétées en conformité avec la Déclaration universelle des droits de l’homme et avec les traités et accords internationaux traitant des mêmes matières ratifiés par le Pérou.
Loi Péruvienne sur les procédures du travail (n ° 29497 de 2010)
Disposition supplémentaire n° 10
En vertu de la quatrième disposition finale et transitoire de la Constitution politique du Pérou, les droits sociaux, individuels et collectifs doivent être interprétés en conformité avec la Déclaration universelle des droits de l’homme et avec les traités et accords internationaux en la matière ratifiés par le Pérou, sans préjudice de la consultation des avis des organes de contrôle de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et des opinions ou décisions adoptés par les tribunaux internationaux constitués selon des traités auxquels le Pérou est partie.
Pérou
Liberté syndicale , Négociation collective
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
traités ratifiés;1 traités non ratifiés;2 jurisprudence internationale;3 instruments non soumis à ratification4
Négociation collective/ Liberté de négociation/Liberté de décision du niveau de négociation/ Impossibilité d’imposition du niveau de négociation par le biais d’une loi/ Principe de bonne foi dans la négociation collective/ Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Dans un processus de négociation collective, le syndicat demanda une ordonnance de poursuite de la procédure dans la phase de négociation directe vu que les associations d’employeurs refusaient de négocier les revendications au niveau de la branche d’activité et n’assistaient pas aux réunions, alléguant que le syndicat demandeur n’avait pas le droit de négocier collectivement au niveau de la branche d’activité, mais à l’échelle de l’entreprise. Les entreprises fondaient leur refus sur l’article 45 du texte consolidé de la loi sur les relations collectives de travail, qui prévoit que «[s’] il n’existe pas de convention collective antérieure à un des niveaux indiqués dans l’article précédent, les parties conviendront du niveau de la première convention. À défaut d'accord, la négociation se déroulera au niveau de l’entreprise. »
Pour résoudre l'affaire, la Cour se référa directement à la définition et aux principes de la négociation collective énoncés dans les normes internationales du travail de l’OIT, et en particulier aux conventions nos 98, 151 et 154 et aux recommandations nos 91 et 163. La Cour estima:
« attendu que les conventions nos 98, 151 et 154 développent et complètent le droit à la négociation collective pour que son exercice soit réel et effectif, la Cour considère que ces accords font partie de l’article 28 de la Constitution, raison pour laquelle ils peuvent être compris comme des normes interposées lors de l’évaluation des vices d’inconstitutionnalité supposés d’une loi soumise à un contrôle concret ou abstrait. »5
De la lecture des normes, la Cour tira trois principes fondamentaux de la négociation collective: tout d’abord, elle doit être libre et volontaire, conformément à l’article 4 de la convention n° 98, comme l’a également déclaré le Comité de la liberté syndicale de l’OIT, également cité dans la sentence; ensuite, la détermination du niveau de négociation doit dépendre essentiellement de la volonté des parties et, par conséquent, ne doit pas être imposé par une loi, parce que cela serait contraire à la convention n° 98, à l’article 28 de la Constitution6 et aux dispositions de la recommandation n° 163, qui stipule que « [d]ans les pays où la négociation collective se déroule à plusieurs niveaux, les parties à la négociation devraient veiller à ce qu’il y ait une coordination entre eux. »; et enfin qu’il doit être négocié de bonne foi, la Cour reconnaissant la difficulté de ne pas être en mesure de l’imposer et qu’elle « ne peut être obtenue que par les efforts volontaires, réciproques et continus des employeurs et des travailleurs ».
Ainsi, la Cour affirma que le refus des employeurs de négocier à un certain niveau ne constituerait pas en principe une violation du droit à la négociation collective, cette dernière étant libre et volontaire. Toutefois, la Cour ajouta, que le niveau de la négociation collective peut être déterminé exceptionnellement de manière hétéronome, par un organe indépendant. Ainsi, il peut y avoir une décision d’arbitrage s’il est établi qu’une partie ne s’acquitte pas de son obligation de négocier de bonne foi, applique des pratiques déloyales ou refuse de négocier uniquement pour empêcher le développement de l’activité syndicale, ce qui constitue une violation du droit à la négociation collective. Pour parvenir à cette conclusion, la Cour se pencha sur la recommandation n° 163 de l’OIT:
« Le paragraphe 4, alinéa 1 de la recommandation n° 163, stipule que “des mesures adaptées aux circonstances nationales devraient, si nécessaire, être prises pour que la négociation collective soit possible à quelque niveau que ce soit, notamment ceux de l’établissement, de l’entreprise, de la branche d’activité, de l’industrie, ou aux niveaux régional ou national”. »
Enfin, en ce qui concerne l’article invoqué par les associations pour nier le droit de négocier au niveau de la branche, la Cour déclara que la partie de cet article qui dit qu’ « en l’absence d’accord, la négociation se déroulera au sera niveau de l’entreprise » est inconstitutionnelle parce qu’elle contrevient à la liberté de décider du niveau de négociation et viole le droit à la négociation collective, et est donc inapplicable aux parties.
La Cour conclut en ordonnant aux associations d’employeurs de poursuivre le processus de négociation, d’assister aux réunions, de convenir avec l’organisation syndicale du niveau de la négociation et, en l’absence d’accord, de s’en remettre à l’arbitrage.
1 Convention (n° 98) de l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949; convention (n° 151) de l’OIT sur les relations de travail dans la fonction publique, 1979.
2 Convention (n° 154) de l’OIT sur la négociation collective, 1981.
3 Comité de la liberté syndicale de l’OIT.
4 Recommandation (n° 91) de l’OIT sur les conventions collectives, 1951; recommandation (n° 163) de l’OIT sur la négociation collective, 1981.
5 Chapitre 3.2 de la sentence.
6 Article 28: « L’État reconnaît les droits d’organisation, de négociation collective et de grève. Il en protège l’exercice démocratique:
1. Il garantit la liberté syndicale;
2. Il favorise la négociation, collective et promeut des formes de résolution pacifiques des litiges du travail. La convention collective est contraignante dans le domaine de ce qui a été négocié.
3. Il régit le droit de grève de sorte qu’il s’exerce en harmonier avec l’intérêt public. Il en fixe les exceptions et restrictions. »