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Cour constitutionnelle de Slovénie, Syndicats indépendants de Slovénie c. l’acte sur la représentativité des syndicats, 5 février 1998, n° U-I-57/95

Constitution de la Slovénie

Article 8

Les lois et règlements doivent être conformes aux principes du droit international universellement reconnus ainsi qu’aux traités internationaux ratifiés par la Slovénie. Les traités internationaux ratifiés et promulgués sont directement applicables.

 Article 153, paragraphes 1 et 2

Les lois et règlements doivent se conformer à la Constitution. Les lois doivent être conformes aux principes universellement reconnus du droit international et aux traités internationaux en vigueur ratifiés par l’Assemblée nationale. De même, les traités internationaux ratifiés prévalent sur les actes juridiques réglementaires.

Pays:
Slovénie
Sujet:
Liberté syndicale
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traités ratifiés;1 jurisprudence internationale2

Loi nationale établissant les conditions de constitution des syndicats, les critères de leur représentativité et les avantages en découlant/ Recours des associations de travailleurs pour non respect de la Constitution nationale et des conventions nos 87 et 98 de l’OIT/ Examen des dispositions législatives/ Interprétation du droit national à la lumière du droit international

Des syndicats slovènes avaient saisi la Cour constitutionnelle. Ils estimaient en effet que la loi slovène sur les syndicats3 était contraire aux conventions nos 87 et 98 de l’OIT et à l’article 76 de la Constitution nationale4. La Cour constitutionnelle devait déterminer, en premier lieu, si le fait de subordonner la reconnaissance de la personnalité juridique du syndicat au dépôt des statuts à l’autorité compétente était contraire au principe de liberté syndicale. En deuxième lieu, la Cour devait déterminer s’il était possible de reconnaître certains droits au syndicat le plus représentatif en matière de négociation collective.

Pour juger de la validité des dispositions relatives à la reconnaissance des syndicats, la Cour constitutionnelle de Slovénie a interprété la législation nationale à la lumière de la convention n° 87 de l’OIT:

«L’État a le droit de lier la reconnaissance de la personnalité juridique au dépôt des statuts à l’autorité compétente. Toutefois, cette formalité ne doit pas donner lieu à l’imposition de conditions qui pourraient indirectement interférer avec le droit d’établir librement un syndicat. Ceci découle également de l’article 7 de la convention n° 87 de l’OIT.

Le ZrSin (NDR: la loi attaquée) prévoit dans ses articles 2 et 3 qu’un syndicat acquiert la personnalité juridique le jour de l’émission de la décision sur le dépôt des statuts (ou autre charte). Pour cela, les prescriptions de la loi sont la soumission de la charte, la présentation de la preuve que le syndicat a bien été établi et que la demande a été remplie par la personne autorisée par le syndicat. Aucune de ces trois conditions n’interfère avec le droit de chaque personne de constituer un syndicat, d’adopter avec d’autres des statuts et de choisir les représentants du syndicat. L’autorité administrative enregistre seulement les faits ci-dessus et, sur cette base, au moyen d’une décision, confirme que le syndicat a acquis la personnalité juridique.

Les article 2 et 3 de la ZrSin ne sont donc pas en désaccord avec l’article 76 de la Constitution, ni avec la convention n° 87 de l’OIT.»

La Cour s’est ensuite penchée sur les articles de la loi concernant le rôle prééminent accordé aux syndicats les plus représentatifs en matière de négociation collective. Pour forger son opinion, la Cour s’est référée non seulement à des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme5(article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales)6, ainsi qu’à la convention n° 98 de l’OIT:

«Un des principes fondamentaux de la convention n° 98 de l’OIT est que la négociation collective et la conclusion de conventions collectives sont libres et volontaires. Par conséquent, une convention collective s’applique seulement aux parties qui l’ont conclue, à moins que son applicabilité universelle ne soit prescrite par la loi. Ce point de départ de principe signifie cependant que la liberté d’association ne peut pas être interprétée comme garantissant également aux syndicats un droit général de conclure des accords collectifs. Un tel droit du syndicat devrait nécessairement supposer l’obligation pour l’employeur de conclure la convention collective. La signature de l’accord par ce dernier ne serait pas libre et volontaire mais réalisée sur requête de l’autre partie. C’est pourquoi la Cour constitutionnelle considère que l’article 76 de la Constitution ne doit pas être interprété d’une façon plus large que l’article 11 de la Convention européenne.»

Le recours aux instruments internationaux comme source d’interprétation de la législation nationale a permis à la Cour constitutionnelle de Slovénie de considérer que l’État pouvait fixer des règles régissant la reconnaissance de la personnalité juridique des syndicats, à la condition de ne pas entraver le droit d’établir librement de telles organisations. La Cour a également décidé que l’État pouvait donner un rôle prééminent aux syndicats les plus représentatifs dans la négociation collective. La loi sur les syndicats slovènes a été considérée conforme à la Constitution nationale et aux instruments internationaux précités.


1 Convention (n° 87) de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; convention (n° 98) de l’OIT sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; Charte sociale européenne, 1961 (ratifiée mais non encore incorporée dans la législation nationale).

2 Cour européenne des droits de l’homme.

3 Loi sur la représentativité des syndicats, gazette officielle de la République de Slovénie n° 13/93.

4 Article 76 de la Constitution de la Slovénie: «La constitution et l’activité des syndicats ainsi que l’adhésion à ces derniers sont libres.»

5 Cour européenne des droits de l’homme: affaire Syndicat national de la police belge c. Belgique, 27 octobre 1975; affaire Syndicat suédois des conducteurs de locomotives c. Suède, 6 février 1976; affaire Schmidt et Dahlström c. Suède, 6 février 1976.

6 Article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales:

«1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État.»

Texte intégral de la décision