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Cour constitutionnelle de la République de Lituanie, 14 janvier 1999, n° 8/98

Constitution de la République de Lituanie

Article 138, paragraphe 3

(...) Les accords internationaux ratifiés par le Parlement de la République de Lituanie font partie intégrante du système juridique de la République de Lituanie.

Pays:
Lituanie
Sujet:
Liberté syndicale
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traités ratifiés1

Procédure disciplinaire/ Possibilité pour un syndicat de défendre un employé non adhérent/ Interprétation du droit national à la lumière du droit international/ Référence au droit international pour renforcer une solution fondée sur le droit national

Faisant l’objet d’une procédure disciplinaire, une employée ne s’était pas présentée devant la commission chargée des conflits de travail. Elle pensait qu’en l’état actuel de la législation, n’étant pas syndiquée, aucun syndicat ne pouvait la représenter pour défendre ses droits. Elle saisit la justice ordinaire afin de faire annuler la sanction disciplinaire qui lui avait été infligée. Elle estimait que le fait de ne pas pouvoir être défendue par un syndicat était contraire à la Constitution nationale. Conformément au recours de la travailleuse, le Tribunal de premier degré demanda à la Cour constitutionnelle, par voie d’exception, de statuer sur la constitutionnalité de la loi sur les syndicats. La Cour s’est d’abord prononcée sur la compétence des syndicats à défendre les travailleurs non syndiqués puis a procédé à un examen de la conformité à la Constitution de toutes les dispositions de loi relative aux syndicats.

En analysant la législation et la Constitution nationale, la Cour constitutionnelle a estimé que les syndicats, notamment lors des négociations collectives, étaient habilités à défendre tous les employés et pas seulement leurs membres.

Pour conforter son raisonnement, la Cour a fait référence au droit international:

«Le but des syndicats de défendre de façon organisée non seulement leurs membres mais aussi tous les employés est également exprimé par les conventions de l’Organisation internationale du Travail ratifiées par la Lituanie le 23 juin 1994 (NDR: la convention n° 154 de l’OIT sur la négociation collective). Par exemple, l’article 5 de la Convention sur la négociation collective du 23 juin 1981 prévoit que des mesures adaptées aux circonstances nationales devront être prises en vue de promouvoir la négociation collective et que les objectifs de ces mesures doivent être les suivants: que la négociation collective soit rendue possible pour tous les employeurs et pour toutes les catégories de travailleurs des branches d’activité visées par la présente convention; b) que la négociation collective soit progressivement étendue à toutes les matières couvertes par les alinéas a), b), et c) de l’article 2 de la présente convention; (en vue de fixer les conditions de travail et d’emploi, et régler les relations entre les employeurs et les travailleurs, et régler les relations entre les employeurs ou leurs organisations et une ou plusieurs organisations de travailleurs).»

La Cour constitutionnelle de Lituanie a ensuite vérifié si les autres articles de la loi qui, selon l’appelante, prévoyaient une protection pour les seuls membres des syndicats étaient conformes à la Constitution nationale. La Cour s’est penchée en particulier sur la législation lituanienne assurant aux représentants des travailleurs une protection renforcée contre le licenciement.

Pour apprécier la constitutionnalité de ces dispositions, la Cour s’est principalement fondée sur le contenu de la convention n° 135 de l’OIT accordant ainsi un rôle interprétatif à cet instrument. À ce propos la Cour a affirmé:

«De plus, l’article 1er de la convention n° 135 de l’OIT, concernant la protection et les facilités à accorder aux représentants des travailleurs dans les entreprises, ratifiée par la République de Lituanie le 23 juin 1994, énonce: «Les représentants des travailleurs dans l’entreprise (selon l’article 3 de la convention sont également considérés aussi les représentants syndicaux nommés ou élus par des syndicats ou par les membres de syndicats) doivent bénéficier d’une protection efficace contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres dispositions conventionnelles en vigueur.»

Ainsi, les dispositions des parties 2, 3, 4, 5 et 6 de l’article 21 de la loi sur les syndicats sont en conformité avec cette convention dans le but de protéger les représentants des employés des dangers qui peuvent se produire dans le cadre de leurs activités au sein du syndicat.»

La Cour constitutionnelle de la République de Lituanie s’est donc fondée sur les conventions nos 154 et 135 de l’OIT pour confirmer que les syndicats avaient vocation à défendre les employés non affiliés et pour affirmer que la protection renforcée accordée aux représentants syndicaux était conforme à la Constitution nationale.


Texte intégral de la décision