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Cour constitutionnelle de Colombie, Quatrième chambre de révision des tutelles, Sindicato de los Trabajadores de las Empresas Varias de Medellín c. le Ministère de l’Emploi et de la Sécurité sociale, Ministère des relations extérieures, Mairie de Medellín et Empresas Varias de Medellín E.S.P., 10 août 1999, T-568/99

Constitution nationale de Colombie

Article 53

(...) Les conventions internationales du travail, dûment ratifiées, font partie de la législation nationale (…).

Article 93, paragraphe 1

Les traités et conventions internationaux, ratifiés par le Congrès, reconnaissant les droits de l’homme et interdisant leur limitation lors des états d’exception, prévalent dans l’ordonnancement juridique interne.

Les droits et devoirs consacrés dans cette Charte s’interprètent conformément aux traités internationaux sur les droits de l’homme ratifiés par la Colombie.

Pays:
Colombie
Sujet:
Licenciement , Protection contre la discrimination dans l’emploi et la profession , Droit de grève
Type d’utilisation du droit international:
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traités ratifiés;1 instruments non soumis à ratification;2 travaux des organes de contrôle3

Droit de grève/ Licenciements antisyndicaux découlant de la déclaration d’illégalité d’une grève par l’autorité administrative/ Application directe du droit international pour écarter une disposition nationale moins protectrice du droit des travailleurs

Des travailleurs introduisirent une action en justice réclamant leur réintégration suite à leur licenciement consécutif à la participation à une grève déclarée illégale par les autorités administratives.

Le cas, qui avait déjà été antérieurement tranché par les tribunaux colombiens, avait, dans l’intervalle fait l’objet d’une décision du Comité de la liberté syndicale de l’OIT invitant le gouvernement à réintégrer à leur poste les travailleurs licenciés pour avoir participé à la grève précitée4. Pour fonder leur nouveau recours, les demandeurs s’appuyèrent sur la recommandation du Comité de la liberté syndicale. La demande fut toutefois rejetée sur le fait que le syndicat avait déjà précédemment épuisé toutes les instances ordinaires et sur le fondement que les décisions du Comité de la liberté syndicale n’étaient pas juridiquement obligatoires. Voyant leur requête rejetée, les travailleurs introduisirent alors le présent recurso de amparo.

Afin de déterminer si les licenciements pour participation à une grève déclarée illégale par les autorités administratives constituaient des licenciements antisyndicaux contraires à la Constitution nationale5, la Cour constitutionnelle se référa aux conventions nos 87 et 98 de l’OIT6. Elle considéra que la déclaration d’illégalité d’une grève par les autorités administratives avait privé les travailleurs de la garantie d’impartialité et de protection contre la discrimination antisyndicale.

De plus, la Cour reconnut une force obligatoire aux décisions du Comité de la liberté syndicale, concluant que les recommandations que celui-ci formule et soumet au Conseil d’administration de l’OIT constituent un ordre contraignant pour le gouvernement colombien, et estima ce qui suit: «[Le Comité] est l’organe qui peut émettre des recommandations à caractère obligatoire selon les normes qui régissent l’organisation.»

Elle ajouta que «dans le cas d’espèce, le Conseil reçut le rapport du Comité et ses recommandations et le publia dans son rapport officiel (...).»7 «En vertu de sa qualité de partie au traité constitutionnel de l’OIT, la Colombie est tenue d’honorer les recommandations du Conseil d’administration.»

Pour fonder sa décision en relation avec le licenciement antisyndical, la Cour se prononça en ces termes:

«(…) le syndicat ne fut pas informé de la procédure qui vérifia la cessation du travail et qui fut mise en oeuvre par le Ministère de l’emploi et de la sécurité sociale avec la participation de l’employeur mais pas des travailleurs. (…) cette procédure viole le droit de participation des travailleurs affiliés au syndicat (tant de ceux qui participèrent à la grève que de ceux qui s’abstinrent) et du syndicat demandeur, ainsi que les conventions n° 87 et 98 de la OIT, qui font partie du bloc de constitutionnalité.

(…) il convient également d’inclure la Constitution de l’OIT et les conventions nos 87 et 98 sur la liberté syndicale (traité et conventions dûment ratifiés par le Congrès, qui prévoient des droits qui ne peuvent être suspendus, même en cas d’état d’exception), ainsi que les articles pertinents de la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels et la Convention américaine des droits de l’homme. On compara ceux-ci avec les articles 430 et 450 du Code du travail car c’est sur ces derniers que le licenciement avait été fondé et, évidemment, avec la recommandation du Comité de la liberté syndicale de l’Organisation internationale du travail.»

Par conséquent, la Cour constitutionnelle de Colombie appliqua les conventions nos 87 et 98 de l’OIT et la recommandation du Comité de la liberté syndicale, octroyant à celle-ci un caractère obligatoire, pour déterminer la violation de la Constitution nationale. Sur ce fondement la Cour déclara la nullité des licenciements et la réintégration des travailleurs licenciés, ainsi que la reconnaissance des salaires et prestations qui restaient à percevoir.


1 Convention (n° 87) de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; convention (n° 98) de l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949; Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels, 1949; Convention américaine relative aux droits de l’homme (« Pacte de San José de Costa Rica »), 1969.

2 Constitution de l’OIT, 1919; Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948.

3 Comité de la liberté syndicale de l’OIT.

4 Plainte contre le gouvernement colombien déposée par le Syndicat des travailleurs des Empresas Varias Municipales de Medellín (EEVVMM), étant comme demandeurs dans la présente affaire (BIT: Rapport du Comité de la liberté syndicale, cas 1916, 309e rapport, Bulletin officiel, vol. LXXXI, série B, n° 1, Genève, 1998).

5 Les articles 39 et 56 de la Constitution de Colombie consacrent expressément les droits d’association, d’organisation et de grève, tandis que les articles 53 et 93 de la Carta Magna stipulent expressément que les conventions internationales du travail font partie intégrante de la législation nationale et octroient aux traités internationaux sur les droits de l’homme la primauté par rapport aux dispositions nationales.

6 En vertu de la Constitution de Colombie, les conventions internationales du travail dûment ratifiées font partie de la législation nationale (article 53) et les traités et conventions internationaux, ratifiés par le Congrès, reconnaissant les droits de l’homme et interdisant leur limitation à des cas exceptionnels, priment la législation nationale (article 93). Comme on peut le voir, les traités sur les droits de l’homme s’intègrent dans la législation nationale avec rang supérieur.

7 BIT: Rapport du Comité de la liberté syndicale, cas 1961, 309e rapport, op. cit.

Texte intégral de la décision