Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud, South African National Defence Union c. Ministre de la Défense, 26 mai 1999, n° CCT 27/98
Afrique du Sud
Droit de grève , Liberté syndicale
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Traités ratifiés1
Saisine de la Cour constitutionnelle pour déclarer inconstitutionnelles les dispositions de la loi interdisant aux membres des forces armées de se syndiquer/ Importance de prendre en compte les conventions de l’OIT/ Interprétation de la Constitution nationale à la lumière du droit international
Saisie d’une demande en ce sens, la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud devait déterminer s’il était constitutionnel d’interdire aux membres des forces armées de participer à des actions de protestations publiques et de s’affilier à un syndicat. La Cour avait choisi d’examiner, dans un premier temps, si la législation incriminée portait atteinte à des droits protégés par la Constitution. En cas de réponse positive, elle aurait dû ensuite décider si l’atteinte à ces droits était justifiée ou non.
L’article 23 2) de la Constitution nationale énonce: «Chaque travailleur a le droit: 1) de former et de s’affilier à un syndicat 2) de participer aux activités et programmes du syndicat et 3) de faire la grève.»
Afin de déterminer si la loi portait atteinte aux droits protégés par la Constitution, la Cour a cherché à déterminer si l’article 23 2) de la Constitution s’appliquait aux forces armées. À cette fin, la juridiction s’est interrogée sur le sens du mot «travailleur» contenu dans cette disposition en recherchant s’il englobait effectivement l’ensemble des personnes occupant un emploi. Pour interpréter l’article 23 de la Constitution, la Cour a estimé que les conventions et les recommandations de l’OIT étaient utiles:
«La section 39 de la Constitution prévoit que lorsqu’une juridiction doit interpréter le chapitre 2 de la Constitution, elle doit prendre en considération le droit international. À mon avis, les conventions et recommandations de l’Organisation internationale du Travail, une des plus anciennes organisations internationales existante, sont des ressources importantes pour examiner la signification et le champ couvert par la notion de «travailleur» (…)»
La Cour a cité les articles 22 et 9 1)3 de la convention n° 87 et en a conclu:
«D’après ces dispositions, il est clair que la convention inclut les forces armées et la police dans son champ d’application mais que l’étendue de l’application de ces dispositions est une question relevant de la loi nationale et n’est pas régie directement par la convention.»
La Cour constitutionnelle a noté que la convention n° 98 suivait la même approche et a conclu:
«L’OIT considère que les membres des forces armées et de la police sont des travailleurs aux termes de la convention, mais estime que leurs fonctions sont particulières, allant jusqu’à laisser la possibilité aux états membres de déterminer l’étendue de l’application des dispositions de la convention aux policiers et aux forces armées.»
Adoptant la même approche que les conventions nos 87 et 98 de l’OIT, la Cour a considéré que le mot «travailleur» de l’article 23 2) de la Constitution s’appliquait également aux membres des forces armées mais que ces dernières pouvaient voir leurs droits restreints par la législation nationale. Conformément à l’article 36 de la Constitution nationale, la Cour a ensuite déterminé si la limitation de ce droit par la législation était raisonnable et justifié dans une société ouverte et démocratique.
La Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud a estimé que l’interdiction totale des syndicats ne remplissait pas cette dernière condition et a suspendu l’article interdisant aux membres des forces armées de constituer ou de s’affilier à des syndicats. La Cour a en revanche conclu que l’interdiction du droit de grève au sein des forces armées était conforme à la Constitution.
1 Convention (n° 87) de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; convention (n° 98) de l’OIT sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
2 Article 2 de la convention n° 87: «Les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières.»