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Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud, NUMSA c. Bader Bop, 13 décembre 2002, n° CCT 14/02

Pays:
Afrique du Sud
Sujet:
Droit de grève , Liberté syndicale , Négociation collective
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

traités ratifiés;1 travaux des organes de contrôle internationaux2

Moyens d’action des syndicats minoritaires/ Importance des conventions et des travaux des organes de contrôle de l’OIT dans l’interprétation du droit national/ Interprétation du droit national à la lumière du droit international

Un syndicat minoritaire avait voulu organiser une grève pour se voir reconnaître le droit de disposer d’un délégué d’usine. La législation sud-africaine prévoyait que les syndicats suffisamment représentatifs pouvaient chercher à faire valoir leurs droits d’organisation par la médiation, l’arbitrage ou la grève. La loi était cependant muette sur les moyens d’action des syndicats minoritaires. L’entreprise avait saisi la justice pour faire interdire cette grève. D’après l’interprétation du Code du travail faite par la Cour d’appel, un syndicat minoritaire n’avait pas le droit d’organiser une grève. Le syndicat saisit la Cour constitutionnelle.

Avant de considérer le fond du litige, la Cour constitutionnelle a défini les règles de droit applicables au litige. À cette occasion, elle a constaté que la loi sud-africaine relative aux syndicats était censée mettre en œuvre les obligations de l’Afrique du Sud en tant qu’État membre de l’Organisation internationale du Travail et qu’en ce sens la législation nationale devait être interprétée en conformité avec les obligations de droit international public de l’État. En l’espèce, la Cour a considéré que les conventions de l’OIT n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et n° 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective devaient être prises en compte3.

Après avoir cité les articles pertinents de ces deux conventions, la Cour constitutionnelle a expliqué les fonctions du Comité de la liberté syndicale de l’OIT. La haute juridiction a estimé:

«Par conséquent, ces décisions constituent des développements faisant autorité vis-à-vis des principes relatifs à la liberté syndicale contenus dans les conventions de l’OIT.»

La Cour s’est alors penchée sur la «jurisprudence» des deux organes de contrôle relative à la grève et aux moyens d’action dont disposent les syndicats. Elle a tenu à préciser que:

«Ces principes tirés de la jurisprudence des deux organes sont d’une pertinence directe pour l’interprétation des dispositions de la loi ainsi que de la Constitution.»

Selon la Cour, la reconnaissance de moyens d’action aux syndicats minoritaires apparaissait plus conforme à la «jurisprudence» des deux organes de contrôle de l’OIT. En outre, selon elle cette interprétation présentait l’intérêt de ne pas restreindre des droits protégés par la Constitution.

La Cour a alors considéré que l’interprétation du Code du travail adoptée par le Tribunal du travail était plausible mais qu’elle ne prenait pas assez en compte les orientations du droit international:

«Il [le Tribunal] ne prend pas assez en compte les considérations émanant de la discussion sur les conventions de l’OIT (...), et en particulier, [son interprétation de la loi] n’empêche pas la restriction des droits constitutionnels. La question à laquelle nous devons répondre est de savoir si la loi peut être interprétée d’une façon qui évite de restreindre les droits constitutionnels.»

Par conséquent, la Cour constitutionnelle a recherché une interprétation de la loi limitant les atteintes portées aux droits constitutionnels. Elle a estimé que les syndicats minoritaires pouvaient chercher à se voir reconnaître des droits par la négociation collective. Pour la Cour:

«Une meilleure lecture est de voir la section 204 comme une confirmation expresse des droits internationalement reconnus des syndicats minoritaires de chercher, à travers les techniques de la négociation collective, à profiter de l’accès au lieu de travail, de la reconnaissance du délégué d’usine aussi bien que d’autres facilités organisationnelles.»

La Cour a alors estimé que lorsque des employeurs et des syndicats avaient le droit de négocier sur un sujet, la présomption naturelle était que ces derniers disposaient également du droit de grève sur le même thème.

La Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud a ainsi reconnu que les syndicats minoritaires pouvaient chercher à se voir reconnaître certains droits à travers la négociation collective et, qu’en cas d’échec de cette dernière, ils avaient le droit de faire grève.


 

2 Commission d’experts pour l’application des conventions et des recommandations de l’OIT; Comité de la liberté syndicale de l’OIT.

3 La Cour constitutionnelle a également nommé, sans les utiliser, la convention (n° 135) de l’OIT concernant les représentants des travailleurs, 1971, et la convention (n° 154) de l’OIT sur la négociation collective, 1981. L’Afrique du Sud n’a pas ratifié ces conventions.

4 Section 20 du chapitre 3 sur la négociation collective, partie À du Code du travail: «Rien dans cette partie ne fait obstacle à la conclusion d’accords collectifs qui réglementent les droits organisationnels.»

Texte intégral de la décision