en
fr
es

Cour constitutionnelle, chambre plénière, Benjamín Ochoa Moreno conc. action publique d’inconstitutionnalité, 17 mai 2000, C-567/00

Constitution nationale de Colombie

Article 53

(...) Les conventions internationales du travail, dûment ratifiées, font partie de la législation nationale (…).

Article 93, paragraphe 1

Les traités et conventions internationaux, ratifiés par le Congrès, reconnaissant les droits de l’homme et interdisant leur limitation lors des états d’exception, prévalent dans l’ordonnancement juridique interne.

Les droits et devoirs consacrés dans cette Charte s’interprètent conformément aux traités internationaux sur les droits de l’homme ratifiés par la Colombie.

Pays:
Colombie
Sujet:
Liberté syndicale
Type d’utilisation du droit international:
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traités ratifiés1

Liberté syndicale/ Pluralité des syndicats/ Enregistrement du Syndicat/ Application directe de la convention n° 87 de l’OIT

Le demandeur remettait en question la constitutionnalité des normes juridiques colombiennes, qui ne permettent pas la coexistence de plus d’un syndicat de base dans la même entreprise et imposent l’enregistrement par l’État du syndicat.

En premier lieu, le demandeur a soutenu que l’interdiction de plus d’un syndicat violait la liberté syndicale des travailleurs, en restreignant la possibilité de créer un nouveau syndicat, s’il en existe déjà un dans l’entreprise.

Pour répondre à la demande, le ministère du Travail a affirmé que les normes juridiques étaient constitutionnelles, en arguant que le fait d’autoriser un seul syndicat permet d’unifier la représentation syndicale, ce qui, en fin de compte, assure le succès de l’activité syndicale.

En s’appuyant sur l’article 39 de la Constitution colombienne, qui garantit à tous les travailleurs le droit de constituer des syndicats, et sur l’article 2 de la convention nº 87 de l’OIT, qui fait partie du « bloc de constitutionnalité », la Cour a décidé que la restriction qui s’applique à la constitution de syndicats est une restriction à la liberté syndicale et est inconstitutionnelle.

Ensuite, le demandeur a affirmé que l’obligation d’enregistrement du syndicat par l’État violait la liberté syndicale, parce que l’imposition de prescriptions administratives pour la reconnaissance et la conduite de l’activité syndicale impliquait en fait une sorte d’autorisation préalable de l’État.

Le demandeur a fondé sa demande sur la Constitution colombienne et la convention n° 87 de l’OIT ; ces normes juridiques garantissent le droit de constituer des syndicats sans l’intervention de l’État.

La Cour a remarqué que dans le système juridique colombien, l’exercice de l’activité syndicale passe par deux étapes: premièrement, la création du syndicat a lieu dans l’assemblée qui en décide ainsi et l’acquisition de la personnalité juridique est automatique et inhérente à sa création; deuxièmement, le syndicat, une fois constitué et doté du statut juridique, demande l’inscription au registre public pour qu’on assure la publicité de l’organisme syndical à des tiers, ce qui n’est pas en violation ni de la Constitution, ni de la convention n° 87.

Analysant le processus d’enregistrement, la Cour a observé que la législation envisage l’hypothèse que l’autorité administrative refuse l’enregistrement pour des raisons liées aux « bonnes moeurs ». La Cour a estimé que ce critère subjectif et vaste n’était pas constitutionnel, car en intervenant dans la constitution des syndicats, l’État outrepasse ses pouvoirs, ce qui peut conduire à restreindre l’exercice du droit, en violation de l’article 39 de la Constitution et de la convention n° 87 de l’OIT. En outre, la disposition législative est inconstitutionnelle, dès lors que l’absence d’enregistrement, la suspension ou la suppression de l’enregistrement du syndicat pourraient découler d’une décision administrative, ne respectant pas l’obligation d’imposer des sanctions uniquement par une décision judiciaire, en vertu de l’article 39, alinéa 3, de la Constitution et de l’article 4 de la convention nº 87 de l’OIT.

Par conséquent, la Cour, en se basant sur la Constitution colombienne et sur la convention n° 87 de l’OIT, a déclaré inconstitutionnelle la possibilité pour l’administration de ne pas enregistrer l’entité syndicale, de suspendre ou d’annuler son enregistrement en invoquant comme motif les « bonnes mœurs » et sans une intervention de la justice.


Texte intégral de la décision