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Cour constitutionnelle, 5 avril 2000, C-385/00

Constitution nationale de Colombie

Article 53

(...) Les conventions internationales du travail, dûment ratifiées, font partie de la législation nationale (…).

Article 93, paragraphe 1

Les traités et conventions internationaux, ratifiés par le Congrès, reconnaissant les droits de l’homme et interdisant leur limitation lors des états d’exception, prévalent dans l’ordonnancement juridique interne.

Les droits et devoirs consacrés dans cette Charte s’interprètent conformément aux traités internationaux sur les droits de l’homme ratifiés par la Colombie.

Pays:
Colombie
Sujet:
Liberté syndicale , Travailleurs migrants
Type d’utilisation du droit international:
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traités ratifiés;1 instruments non soumis à ratification2

Liberté syndicale/ Droits civils du citoyen étranger/ Discrimination des travailleurs étrangers et exclusion des fonctions de représentation syndicale

Exerçant une action publique pour inconstitutionnalité, deux citoyens  remirent en cause plusieurs articles du Code du travail3 estimant que ceux-ci violaient la Constitution, différents instruments internationaux et plus spécifiquement les conventions nos 87, 98 et 111 de l'OIT. Les articles incriminés exigeaient que les syndicats de travailleurs soient composés d'au moins deux tiers de membres de nationalité colombienne et interdisaient aux travailleurs étrangers d'accéder à des fonctions de représentation syndicale.

Le règlement de cette affaire supposait de prendre en considération l'article n° 100 de la Constitution colombienne qui établit que «la loi pourra, pour des raisons d'ordre public, refuser ou subordonner à des conditions spéciales l'exercice de droits civils déterminés pour les étrangers. Ainsi, sur le territoire de la République, les étrangers bénéficieront des garanties octroyées aux ressortissants nationaux, exception faite des limitations établies par la Constitution ou par la loi.»

Dans un premier temps, la Cour a signalé que le législateur ne pouvait pas restreindre l'exercice des droits civils des étrangers en invoquant de façon abstraite des raisons d'ordre public, mais que «les restrictions des droits fondamentaux doivent être expresses, nécessaires et strictement indispensables et doivent tendre à la réalisation d'objectifs constitutionnels légitimes dans une société démocratique, comme celui de garantir la vie en commun au sein de la  société.»

Par la suite, la Cour constitutionnelle établit que :

«conformément aux articles nos 53.44, 935 et 946 de la Constitution, le contenu et la portée de la liberté syndicale doivent se conformer aux conventions et traités internationaux sur les droits de la personne au travail.»7

La Cour a alors fait explicitement référence aux articles 2, 3, 6 et 8 de la convention n° 87 de l'OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical8 et a estimé :

«qu'il ne fait aucun doute que les dispositions incriminées sont en opposition avec la convention précitée qui n'envisage pas un instant la possibilité que l'on puisse restreindre la liberté syndicale des travailleurs étrangers.»9

Au vu de ce qui précède et sur la base de la lecture de la Constitution nationale et des articles de la convention n° 87 de l'OIT, la Cour constitutionnelle prononça l'invalidité des dispositions de droit interne qui restreignent la liberté syndicale des travailleurs étrangers.


1 Convention (n° 87) de l'OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; convention (n° 98) de l'OIT sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; convention (n° 111) de l'OIT concernant la discrimination (emploi et profession), 1958; Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels, 1966 ; Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 1965.

2 Déclaration universelle des droits de l'homme, 1948; Déclaration des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 1963.

3 Articles 384, 388, 422 et 432 du Code du travail colombien.

4 Article 53 4) de la Constitution de Colombie: «Le Congrès adoptera le statut du travail. La loi correspondante prendra au moins en considération les principes minimums suivants: (…) Les conventions internationales du travail dûment ratifiées font partie de la législation nationale.»

5 Article 93 1) de la Constitution de Colombie: «Les traités et conventions internationaux, ratifiés par le Congrès, reconnaissant les droits de l’homme et interdisant leur limitation lors des états d’exception, prévalent dans l’ordonnancement juridique interne. Les droits et devoirs consacrés dans cette Charte s’interprètent conformément aux traités internationaux sur les droits de l’homme ratifiés par la Colombie.»

6 Article 94 de la Constitution de Colombie: «L'énoncé des droits et des garanties contenus dans la Constitution et dans les conventions internationales en vigueur ne nie pas les autres droits qui, inhérents à la personne humaine, n'y figurent pas expressément.»

7 Page 13 de la décision.

8 Article 2 de la convention n° 87: «Les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières.»

Article 3: «Les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action. Les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.»

Article 6: «Les dispositions des articles 2, 3 et 4 ci-dessus s'appliquent aux fédérations et aux confédérations des organisations de travailleurs et d'employeurs.»

Article 8 2): «La législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention.»

9 Page 14 de la décision.

Texte intégral de la décision