Conseil d'État, Section du Contentieux, Mlle Cinar, 22 septembre 1997, n° 161364
Constitution française
Article 54
Si le Conseil Constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier Ministre, par le Président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution.
Article 55
Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie.
France
Travail des enfants
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Traité ratifié1
Citoyenne turque résidant régulièrement en France/ Entrée de son enfant en France sans autorisation administrative/ Décision administrative d’expulsion/ Intérêt supérieur de l’enfant/ Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Une citoyenne turque, Mlle Cinar, ayant obtenu une carte de résidente en France à la suite d’un regroupement familial avec ses parents avait introduit son propre enfant, alors âgé de quatre ans, sur le territoire français sans demander auparavant d’autorisation de séjour pour ce dernier. Sa demande postérieure d’admission au séjour fut refusée par le préfet pour violation des règles d’entrée sur le territoire, ce dernier ordonnant de ce fait l’expulsion du jeune enfant.
Mlle Cinar contesta en justice la décision du préfet qui fut confirmée par la juridiction administrative de première instance. Se fondant sur la Convention relative aux droits de l’enfant ratifiée par la France, Mlle Cinar fit appel de cette décision, recours finalement porté devant le Conseil d’État.
Pour résoudre le litige, la juridiction suprême de l’ordre administratif se pencha en premier lieu sur l’applicabilité de la convention internationale aux autorités administratives et sur la possibilité de l’invoquer dans un recours devant les juridictions administratives. À cet égard, le Conseil d’État se prononça de la manière suivante:
«Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990: «Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale»; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.»
Ce point étant posé, le Conseil d’État se fonda directement sur la Convention relative aux droits de l’enfant pour apprécier la validité de la décision préfectorale:
«Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ni le père de l'enfant, qu'il ne connaissait pas, et qui n'avait jamais fourni aucune aide pour son éducation, ni aucune autre personne proche de la famille, ne pouvait recevoir l'enfant en Turquie; que dans ces conditions, la décision du préfet de renvoyer le jeune Tolga en Turquie et de le séparer, même provisoirement de sa mère, porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant et doit être regardée comme contraire à l'article 3 1) de la convention internationale des droits de l'enfant.»
Sur le fondement de la violation de l’article 3 1) de la Convention relative aux droits de l’enfant, le Conseil d’État français annula donc le jugement du Tribunal de première instance ainsi que la décision préfectorale objet du recours.