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Cour constitutionnelle d’Espagne, 7 novembre 2007, affaire n° 236/2007

Constitution de Espagne

Article 10, paragraphe 2

Les normes relatives aux droits fondamentaux et aux libertés que la Constitution reconnaît doivent être interprétées en conformité avec la Déclaration universelle des droits de l’homme et avec les traités et accords internationaux sur les mêmes matières ratifiés par l’Espagne.

Article 96, paragraphe 1

Les traités internationaux valablement adoptés, une fois officiellement publiés en Espagne, font partie de la législation nationale. Leurs dispositions ne pourront faire l’objet d’une dérogation, d’une modification ou d’une suspension que sous la forme prévue dans les traités ou en accord avec les normes générales du droit international.

Pays:
Espagne
Sujet:
Liberté syndicale
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Instrument non sujet à ratification;1 instruments traités;2 jurisprudence étrangère3

Droit de réunion/ Liberté syndicale/ Liberté d’association/ Interprétation du droit national à la lumière du droit international 

Le Parlement de Navarre a formé un recours en inconstitutionnalité contre divers points de la loi organique n° 8/2000, notamment les points 5, 6 et 9 qui modifient respectivement les articles 7, 8 et 11 de la loi organique n° 4/2000 et limitent, de ce fait, l’exercice du droit de réunion, la liberté syndicale et le droit d’organisation des étrangers subordonnant l’octroi de ces droits à la possession d’un permis de séjour ou de résidence en Espagne. 

Dans le cadre de l’analyse de la demande concernant l’inconstitutionnalité, la Cour constitutionnelle d’Espagne a examiné si les restrictions et les limitations établies par le législateur portaient atteinte aux droits fondamentaux garantissant la dignité humaine à partir du contenu et de la nature de ces droits tels qu’ils sont énoncés dans la Constitution espagnole et dans les traités ratifiés par l’Espagne. 

Se référant à la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), et à la jurisprudence internationale de la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour constitutionnelle a décidé que le droit de réunion et la liberté syndicale sont liés à la dignité humaine. Ainsi, puisque ces droits ont totalement été retirés aux étrangers ne disposant pas de permis de séjour ou de résidence pour l’Espagne, la Cour a déclaré que les points 5 et 6 de la loi organique n° 8/2000 violaient les articles 21 et 22 de la Constitution espagnole concernant le droit de réunion et la liberté syndicale conformément aux textes internationaux susmentionnés. 

En ce qui concerne le point 9 qui porte sur le droit d’organisation, la Cour s’est référée non seulement à la DUDH, au PIDCP, à la CEDH, au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et à la Charte sociale européenne, mais également aux conventions de l’OIT nos 87 et 98:

« Enfin, il faut mentionner deux conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT), qui ont toutes deux été ratifiées et peuvent être utilisées comme instruments d’interprétation en vertu de l’article 10.2 EC (conformément au contenu de l’affaire n° 191/1998 du 29 septembre, FJ 5): la convention (n° 87) de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical établit à l’article 2 que "les travailleurs (…) sans distinction d'aucune sorte, ont le droit (…) de constituer des organisations de leur choix" alors que la convention (n° 98) de l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective établit à l’article 1 que « les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi" » .4 

La Cour a poursuivi: 

« Dans l’examen de la jurisprudence, nous avons attribué le droit d’organisation à "tous" les travailleurs en tenant compte de leur nature physique et non de leur statut légal ou officiel, ainsi qu’à "tous" les syndicats (…), ce qui permet de comprendre la protection universelle subjective de ce droit qui prend effet par les traités internationaux susmentionnés, dont la convention (n° 87) de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (…) » .5

Partant, la Cour a aussi considéré ce point comme inconstitutionnel puisqu’il viole l’article 28.1 de la Constitution espagnole sur le droit à la liberté syndicale conformément aux conventions de l’OIT concernant ce droit et ratifiées par l’Espagne.

En conclusion, en ayant interprété les dispositions de la Constitution espagnole à partir du droit international, la Cour constitutionnelle d’Espagne a déclaré inconstitutionnels les points contestés.


1 Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948.

2 Convention (n° 87) de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; Convention (n° 98) de l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949; Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966; Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – Conseil de l’Europe, 1950; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966; Charte européenne sociale, 1961.

3 Cour européenne des droits de l’homme.

4 Page 25 de la décision.

5 Page 26 de la décision.

Texte intégral de la décision