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Cour constitutionnelle, 17 avril 2006, cas n° 4635-2004-AA/TC

Constitution du Pérou

Article 3

L’énumération des droits établis à ce chapitre ne porte pas préjudice aux autres droits garantis par la Constitution, ni à ceux de nature analogue ou basés sur la dignité de l’être humain ou sur les principes de souveraineté du peuple, de l’État démocratique de droit et de la forme républicaine de gouvernement.

Article 55

Les traités ratifiés par l’État et en vigueur font partie du droit  national.

Article 56

Les traités doivent être approuvés par le Congrès avant leur ratification par le Président de la République, chaque fois qu’ils traitent des matières suivantes:

1. Droits de la personne; 2. Souveraineté, frontières ou intégrité de l’État; 3. Défense nationale; 4. Obligations financières de l’État.

Article 57, paragraphe 2

Lorsque le traité affecte des dispositions constitutionnelles, il doit être approuvé par le biais de la même procédure régissant la réforme de la Constitution, avant d’être ratifié par le Président de la République.

Disposition finale transitoire n° 4

Les normes relatives aux droits et libertés que la Constitution reconnaît sont interprétées en conformité avec la Déclaration universelle des droits de l’homme et avec les traités et accords internationaux traitant des mêmes matières ratifiés par le Pérou.

Loi Péruvienne sur les procédures du travail (n ° 29497 de 2010)

Disposition supplémentaire n° 10

En vertu de la quatrième disposition finale et transitoire de la Constitution politique du Pérou, les droits sociaux, individuels et collectifs doivent être interprétés en conformité avec la Déclaration universelle des droits de l’homme et avec les traités et accords internationaux en la matière ratifiés par le Pérou, sans préjudice de la consultation des avis des organes de contrôle de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et des opinions ou décisions adoptés par les tribunaux internationaux constitués selon des traités auxquels le Pérou est partie.

Pays:
Pérou
Sujet:
Santé et sécurité au travail
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traités ratifiés;1 instruments non soumis à ratification;2 travaux des organes de contrôle internationaux;3

Entreprise minière/ Durée du travail de 12 heures par jour et 48 heures par semaine/ Détermination du caractère constitutionnel ou non de cet aménagement du temps de travail/ Prise en compte des instruments internationaux pour interpréter la Constitution/ Application intégrée et cumulative des différentes normes internationales/ Principe de la norme la plus favorable/ Liens entre temps de travail, hygiène et sécurité et dignité de la personne

Deux représentants syndicaux d’un groupe minier saisirent la justice pour obtenir l’application de leur convention collective d’entreprise prévoyant une journée de travail de huit heures pour les mineurs et faire ainsi cesser le système dit «4x3» consistant en quatre journées de travail de 12 heures suivies de 3 jours de repos. N’ayant pas obtenu gain de cause devant la justice ordinaire, les représentants syndicaux saisirent la Cour constitutionnelle, alléguant la violation de la durée maximale de travail prévue la Constitution péruvienne4, l’atteinte à la dignité de la personne et la violation du principe d’égalité.

De son côté, l’employeur indiqua que l’organisation du temps de travail appliquée par l’entreprise était conforme à la Constitution péruvienne, en ne dépassant pas les 48 heures hebdomadaires mentionnées à l’article 25 de la Constitution. À cet égard, le défendeur souligna que la Cour constitutionnelle avait déjà, dans des décisions antérieures, déclaré constitutionnel ce type d’aménagement du temps de travail. Le défendeur signala également que les horaires appliqués par l’entreprise étaient conformes à la législation régissant les activités minières et que la convention collective d’entreprise permettait à l’employeur de modifier les horaires de travail dans certaines circonstances.

Avant d’entamer l’analyse juridique du litige, la juridiction constitutionnelle se référa à un rapport du Bureau international du Travail sur les conditions de travail et de santé et sécurité dans le secteur minier au Pérou.5 La Cour cita ce rapport pour relever que le travail dans les mines était considéré comme une activité à hauts risques requérant des mesures de protection spéciales, du fait en particulier des efforts physiques très importants demandés aux travailleurs et des nombreuses maladies professionnelles auxquelles ceux-ci sont exposés.

La Cour se pencha ensuite sur la conformité du système «4x3» avec l’article 25 de la Constitution relatif au temps de travail. La Cour releva qu’en vertu de la disposition transitoire finale n° 4 de la Constitution, ledit article devait être interprété à la lumière de la Déclaration universelle des droits de l’homme et des traités ratifiés par le Pérou abordant cette question. Au-delà de la Déclaration précitée6, la Cour considéra comme pertinents les instruments suivants: la convention n° 1 de l’OIT sur la durée du travail (industrie)7, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels8 et finalement le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels9.

Afin de préciser le sens et la portée de la disposition constitutionnelle limitant la durée du travail, la juridiction s’attacha alors à appliquer de manière intégrée ces différentes sources internationales dans le respect du principe de la norme la plus favorable.

La Cour emprunta donc aux différentes dispositions pertinentes leurs aspects les plus protecteurs et considéra que:

«a) La durée du travail de huit heures par jour et de quarante-huit heures hebdomadaires sont prescrite comme un durée maximale. b) Il est possible de travailler plus de huit heures par jour et de quarante-huit heures par semaine dans certaines circonstances, à condition que la moyenne des heures travaillées, calculée sur une période de trois semaines ou sur une période plus courte, ne dépasse ni huit heures par jour ni quarante-huit heures par semaine. Cette possibilité dépendra du type de travail réalisé. c) La durée du travail doit respecter des limites raisonnables. d) La durée du travail sera moindre pour des travaux dangereux, insalubres ou nocturnes. e) Dans le cas de notre pays, la Constitution impose une durée maximale de travail de 48 heures par semaine. Celle-ci s’avérant la norme la plus protectrice, elle prévaudra sur toute autre disposition de traité imposant une durée hebdomadaire supérieure (par exemple, l’article 4 de la convention n° 1 de l’OIT).»

Prenant en considération d’une part la dangerosité du travail dans les mines et d’autre part les dispositions constitutionnelles en matière de durée du travail telles qu’interprétées au regard du droit international, la Cour constitutionnelle décida qu’une durée de travail raisonnable dans la mine ne pouvait dépasser 8 heures par jour, condition assurant également le respect du droit constitutionnel à la santé et du principe de «travail décent» promu par l’OIT. La Cour déclara donc inconstitutionnel non seulement le système «4x3» pour les travailleurs de la mine mais également les décrets relatifs au secteur minier rendant possible un tel aménagement du temps de travail.


1 Convention n° 1 de l’OIT sur la durée du travail (industrie), 1919; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966; Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels (« Protocole de San Salvador »), 1988.

2 Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948.

3 Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’OIT: observation relative à l’application par le Pérou de la convention n° 1 de l’OIT, publiée en 2002.

4 Article 25 de la Constitution péruvienne: «La durée ordinaire du travail est d’un maximum de huit heures par jour ou de 48 heures par semaine. En cas d’organisation du temps du travail accumulative ou atypique, la moyenne des heures travaillées pendant la période correspondante ne doit pas dépasser ce maximum.»

5 Equipo Técnico Multidisciplinario para los Países Andinos de la Oficina Internacional del Trabajo: Informe sobre las Condiciones de Trabajo, Seguridad y Salud Ocupacional en la Minería del Perú (Lima, 2002).

6 Article 24 de la Constitution péruvienne.

7 Articles 2, 2 c) et 4 de la Constitution péruvienne.

8 Article 7 d) de la Constitution péruvienne.

9 Article 7 g) de la Constitution péruvienne.

Texte intégral de la décision