en
fr
es

Cour interaméricaine des droits de l’homme, Huilca Tecse c. Pérou, 3 mars 2005

Cours:
Cour interaméricaine des droits de l’homme
Sujet:
Liberté syndicale
Type d’utilisation du droit international:
Référence au droit international pour renforcer une solution fondée sur le droit interaméricain
Type d’instruments utilisés:

Conventions de l’OIT et autres traités;1 travaux des organes de contrôle internationaux;2 jurisprudence internationale3

Liberté d’association/ Liberté syndicale/ Droit à la vie/ Droit et liberté d’un groupe de s’associer librement, sans crainte/ Obligation de l’État de permettre aux syndicats, aux fédérations et aux confédérations de fonctionner librement/ Responsabilité internationale de l’État/ Référence au droit international pour renforcer une décision fondée sur le droit interaméricain

La Commission interaméricaine des droits de l’homme a introduit une demande devant la Cour interaméricaine à l’encontre de l’État péruvien pour l’exécution extrajudiciaire d’un important dirigeant syndical péruvien, M. Pedro Huilca Tecse, qui exerçait au moment des faits la fonction de Secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Pérou. La Commission a indiqué que cette exécution aurait été menée par des membres du groupe Colina, un escadron de la mort lié au service du renseignement de l’Armée péruvienne. En outre, la demande se référait aussi à l’absence présumée d’une enquête, menée de manière complète, impartiale et effective sur les faits.

En réponse à la demande, l’État s’est astreint aux prétentions de la partie demanderesse et au paiement de la réparation civile et des coûts.La Cour a établi que l’exécution extrajudiciaire de M. Pedro Huilca Tecse reposait sur un motif politique, qu’elle était le résultat d’une opération couverte par les renseignements militaires et qu’elle avait été tolérée par diverses autorités et institutions nationales. La Cour a conclu qu’il y avait eu violation du droit à la vie et à la liberté d’association consacré dans la Convention américaine relative aux droits de l’homme. Dans ce contexte, elle a établi qu’il y avait eu violation du contenu du droit à la liberté d’association, en ce qui concerne la liberté syndicale, étant donné que le motif de l’assassinat était lié au fait qu’il s’agissait d’un dirigeant syndical d’opposition. Elle a ajouté qu’il y a eu restriction non seulement de la liberté d’association d’un individu, mais également du droit collectif du mouvement syndical péruvien à cause de l’effet intimidant de l’exécution de M. Pedro Huilca Tecse. Pour renforcer sa décision, la Cour a recouru aux normes internationales et régionales et aux travaux du Comité de la liberté sindicale de l’OIT.

« La Cour rappelle les dispositions du Protocole de San Salvador du 17 novembre 1988 et de la convention n° 87 de l’OIT relative à liberté syndicale et à la protection du droit syndical du 17 juin 1948, dont les articles 8(1)a et 11, respectivement, comprennent l’obligation pour l’État de permettre aux syndicats, fédérations et confédérations de fonctionner librement. Le Pérou a ratifié la convention n° 87 de l’OIT le 2 mars 1960.

Le Comité de la liberté syndicale de l’OIT a indiqué que : « la liberté syndicale ne pouvait s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. »

La Cour européenne des droits de l’homme a indiqué que l’exercice effectif de la liberté d’association ne pouvait « se réduire à une simple obligation de non-ingérence de la part de l’État : un contexte uniquement négatif ne serait pas compatible avec l’objet et le but de l’article 11 [de la Convention européenne, qui] demande, en certaines occasions, l’adoption de mesures positives, même dans le domaine des relations entre individus, le cas échéant. »

[…]

L’État doit garantir que les personnes peuvent exercer librement la liberté syndicale sans crainte de faire l’objet de violences; dans le cas contraire, la capacité des groupements à s’organiser pour la protection de leurs intérêts pourrait être réduite. »4

S’appuyant sur la Convention américaine relative aux droits de l’homme et en faisant référence à la convention n° 87 de l’OIT et aux travaux du Comité de la liberté syndicale de l’OIT ainsi que de la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour a considéré que l’État péruvien avait une responsabilité internationale en ce qui concerne la violation du droit à la vie et du droit à la liberté d’association, et établi les mesures de réparation en faveur des victimes.


1 Convention (n° 87) de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 (ratifiée par le Pérou le 2 mars 1960) ; Convention américaine relative aux droits de l’homme (« Pacte de San José de Costa Rica »), 1969 (ratifiée par le Pérou le 8 mai 1978) ; Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels (« Protocole de San Salvador »), 1988 (ratifié par le Pérou le 28 octobre 1992).

2 Comité de la liberté syndicale de l’OIT.

3 Cour européenne des droits de l’homme.

4 Paragraphes 74 à 77 de la sentence.

Texte intégral de la décision